Ile-de-France

Jean-Philippe Dugoin-Clément : « 2022 est une année record pour l’Epfif »

– Quels commentaires vous inspirent les chiffres qui caractérisent l’activité de l’Établissement public foncier d’Ile-de-France, et que vous présenterez lors du conseil d’administration de mars prochain ?

Jean-Philippe Dugoin-Clément, président de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France. © Jgp

Sur les six dernières années, et encore davantage les deux dernières, l’EPF affiche des résultats excellents. Nous dépassons les objectifs inscrits dans nos plans pluriannuels d’investissement (PPI), fixés conjointement avec les services de l’Etat. Cela montre que l’EPF a toujours un impact puissant sur la construction de logements en Ile-de-France. Seul le début de l’année 2020, avec le premier confinement lié à la pandémie, a été marqué par des chiffres en retrait. En 2022, nous avons réalisé 566 millions d’euros d’acquisition, (alors que le PPI prévoyait 500 millions), tandis que le montant de nos cessions s’élève à 366 millions d’euros, (contre 345 prévus au PPI). Cela alors même que nous avions été amenés, début 2022, à réévaluer nos prévisions pluriannuelles d’investissement. Nos acquisitions s’élèvent à deux milliards d’euros sur la période 2016 – 2020 et nos cessions à 1,116 milliard d’euros. 2021 a également constitué une année record, avec quasiment 1 milliard d’euros de nouveaux engagements signés avec les collectivités. 2022 a connu la même dynamique, avec 32 nouvelles conventions signées avec des communes pour 695 millions d’euros, générant 15.000 logements et 650.000 m2 de locaux d’activité.

– Combien de logements générés cela représente-t-il ?

Cela représente, entre 2016 et 2022, 32.400 logements. Soit pratiquement la production annuelle de logements en Ile-de-France, qui s’effondre globalement. Nous jouons donc pleinement notre rôle contracyclique, dans une période ou le bloc communal subit de plein fouet la crise énergétique et voit donc ses moyens réduits, et alors que les prix du foncier continuent d’augmenter. Je rappelle que nous ne réalisons aucune marge. Nous cédons aux collectivités les terrains au prix de revient, c’est-à-dire majorés des prix de conservation ou d’études, terrains que nous acquérons au prix fixé par les domaines.

– Quelle part de logements sociaux ? 

L’EPF à lui seul représente 20% de la production de logement social en Ile-de-France. C’est colossal. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Cela résulte de la consolidation d’équipes techniques et administratives qui réalisent un travail absolument fabuleux. Cela vient aussi de la force de notre maillage dans les territoires, puisque nous sommes, sous différentes formes, présents dans plus de 400 communes.

– Vous expliquez aussi ces bons chiffres par une évolution de la perception de l’établissement par les collectivités ?

Nous sommes en effet perçus désormais comme un outil au service des collectivités et non pas comme le vecteur d’une contrainte qui viendrait s’imposer à elles. L’EPF pouvait être ressenti, il y a une dizaine d’années, notamment par les petites communes, comme un établissement surdimensionné pour elles, qui allait leur imposer des aménagements, des constructions, dont elles ne voulaient pas. Cela, parce que nous travaillons en confiance avec les collectivités. C’est en coconstruisant avec elles, dans une logique d’écoute, que nous avons pu casser cette image.

– Êtes-vous engagés dans des opérations de transformation de bureaux en logements ?

Nous nous inscrivons globalement dans tous les objectifs de la transition écologique, je pense notamment au zéro artificialisation nette des sols (ZAN), aux logiques de reconstruction de la ville sur elle-même, ou de compensation, quand cela est possible. Nous intervenons d’ailleurs davantage en recyclage urbain qu’en extension. L’achat d’un terrain nu ne justifie pas l’intervention d’un EPF. A l’inverse, des opérations de remembrement urbain, qui plus est dans le diffus, le requiert souvent au contraire. Nous estimons, en tant qu’établissement public de l’Etat, que nous devons être moteurs sur ces sujets.

– Comment appréciez-vous la critique d’un récent rapport de la Chambre régionale des comptes vous concernant, estimant notamment que vous devriez parfois relever votre niveau d’exigence vis-à-vis des collectivités où vous intervenez ?

Je vais être direct : cette critique dénote d’une certaine ignorance de la réalité de nos relations avec les communes. Cette réalité est que nous ne pouvons investir sur des périmètres, des durées et des montants d’investissement définis sans l’accord des communes. L’établissement ne peut intervenir dans une ville que s’il signe avec elle une convention d’intervention foncière et que cette dernière lui demande d’intervenir. Il faut donc que le programme soit en ligne avec la volonté de la commune tout en étant conforme avec les règles d’intervention de l’EPF Ile-de-France. C’est un travail partenarial. Si nous arrivons dans une ville, en tentant d’imposer au maire tel ou tel programme qu’il ne souhaite pas, l’élu refusera de contracter avec nous. Il ira chercher un opérateur privé, qui fera moins de logements sociaux, pour préserver ses marges. Dès lors, notre volume d’activité sera revu à la baisse, tout comme notre capacité d’impulsion. Notre rôle est de rendre possible les projets des collectivités locales en respectant notamment des équilibres économiques, de mixité sociale et environnementaux.

– Que répondez-vous au rapport de la chambre régional des comptes qui regrette que des communes bénéficient de votre intervention pour empocher les marges de certaines opérations de cession de foncier à des promoteurs ?

Cela fait partie des éléments du rapport que nous partageons entièrement. Nous travaillons à la mise en place de clauses anti-spéculatives pour éviter ce type de comportements. Il n’est pas possible de permettre à des communes de bénéficier d’un effet d’aubaine, en allant céder à des promoteurs au prix de marché des terrains que nous leur vendons à prix fixe pour éviter la spéculation. C’est totalement contraire à l’esprit que nous portons.


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Author: Jacques Paquier