Ces étranges tunnels creusés dans des grenats seraient dus à une forme de vie
De précieuses gemmes parcourues de galeries microscopiques ? De quoi horrifier les joailliers, pour qui elles perdent alors en qualité. Mais il ressort d’une enquête scientifique passionnante que des micro-organismes auraient autrefois élu domicile dans les pierres en question, des grenats, y laissant ces mystérieux tunnels.
C’est un trésor un peu spécial que des scientifiques ont découvert en Thaïlande, dans des sols et des sédiments fluviaux : des grenats, gemmes d’un rouge sombre, percés de curieux réseaux de cavités microscopiques. De telles structures dans des minéraux s’expliquent en général par des processus abiotiques, c’est-à-dire n’impliquant pas d’organismes vivants. D’ailleurs, les grenats sont des pierres particulièrement dures, réputées pour leur résistance à l’abrasion et aux attaques chimiques (corrosion). Autrement dit, des micro-organismes auraient tout le mal du monde à forer un trou dans des grenats.
Or, selon Magnus Ivarsson, de l’université du Danemark du Sud et du Muséum suédois d’histoire naturelle, et ses collègues internationaux, ces labyrinthes seraient bien l’œuvre d’une forme de vie. Il s’agirait de champignon, pour être précis. Leur complexité indique que des organismes sont forcément passés par là.
En effet, certains tunnels se divisent en de nombreuses ramifications, s’entrecroisent et se rejoignent. D’autres plongent en parallèle dans le minéral et forment des lignes droites. Certains traversent la gemme de part en part, tandis que d’autres encore effectuent une boucle avant d’atteindre le côté opposé. Enfin, une partie des tunnels est occupée par des filaments rougeâtres de 5 à 15 micromètres de diamètre. Quoi qu’il en soit, ces cavités ont un point commun : elles débouchent toutes à la surface des grenats.
Des micro-organismes endolithiques en cause
Les chercheurs détaillent comment ils ont démêlé les fils de cette énigme dans un article paru dans le journal Plos One. Ils pointent du doigt des micro-organismes dits endolithiques, qui se développent à l’intérieur des minéraux, écartant d’autres possibilités, telles des radiations, des inclusions de fluides (gaz ou liquide) ou des inclusions d’autres minéraux plus anciens.
La structure des tunnels ne correspond pas à ces phénomènes abiotiques, arguent-ils dans leur publication. En effet, des inclusions de minéraux ne rejoignent pas forcément la surface, celles de fluides forment exclusivement des cavités en ligne droite et les radiations auraient dû en créer dans toutes les directions. Face aux virages en queue de poisson et aux tunnels parallèles, force est de conclure que des organismes ont contraint la direction prise par les tunnels.
D’autres indices corroborent cette hypothèse. Les micro-organismes endolithiques creusent les minéraux par dissolution, en sécrétant des acides. Or, par spectrométrie de masse, les chercheurs ont justement détecté des biomarqueurs chimiques résiduels, en l’occurrence des acides gras, à l’intérieur des tunnels. « La nature complexe de ces molécules organiques signale une présence microbienne », indiquent-ils dans leur publication, et suggère que « des communautés endolithiques vivaient dans ces tunnels ». En outre, les mystérieux filaments qui bouchent certains passages seraient des résidus trahissant ces micro-organismes. Mais lesquels ?
Pour le savoir, il suffit de regarder attentivement la structure des tunnels, car elle dépend du micro-organisme foreur. Ainsi, les réseaux labyrinthiques parcourant ces grenats ont de fortes chances d’avoir été réalisés par des organismes complexes comme des champignons, des algues et des bactéries de forme filamenteuse, telles des cyanobactéries. Mais la taille, la longueur et la forme des tunnels correspond davantage à des champignons qu’à des bactéries.
Après avoir esquissé un portrait satisfaisant du coupable, les chercheurs se sont penchés sur ses motivations. On sait que les grenats, des minéraux très durs, font un piètre lieu de résidence pour des micro-organismes endolithiques. Ce serait d’ailleurs la première observation de ce genre. Les scientifiques estiment que s’ils en sont arrivés là, c’est qu’ils ne devaient pas avoir de meilleure option… Dans les milieux où les grenats ont été prélevés, ces pierres constituent une des seules sources d’ions fer, un nutriment qui aurait appâter les champignons.
Ce qu’il faut retenir
- Des scientifiques ont découvert d’étranges grenats en Thaïlande. Ces gemmes très dures sont parcourues de tunnels. Des champignons microscopiques dits endolithiques, qui élisent domicile dans les minéraux, en seraient responsable.
- Ce serait la première fois que l’on constate la présence de micro-organismes endolithiques dans des grenats.
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Le béryl, un cristal d’eau de mer Le béryl (Be3Al2Si6O18) est un minéral du groupe des silicates. Son nom vient du grec beryllos, qui signifie « cristal de la couleur de l’eau de mer ». Il en existe plusieurs variétés utilisées en joaillerie, comme l’aigue-marine et l’émeraude. Couleurs : variées. © Rob Lavinsky, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
Le sélénite, une pierre de Lune Considéré comme une variété de gypse, le sélénite permet de voir « l’éclat de la Lune ». Son nom provient d’ailleurs de selentis, qui signifie « pierre de Lune » en grec. La région de Bologne, en Italie, est connue pour en contenir beaucoup. Elle fut d’ailleurs utilisée pour construire les premières fortifications de la ville, aujourd’hui disparues. Couleur : incolore à rougeâtre. © mockbird, Flickr, CC by-sa 2.0
La marcassite, une cousine de la pyrite La marcassite est un minéral composé de disulfure de fer (FeS2). Elle fut longtemps confondue avec la pyrite jusqu’à ce que le minéralogiste français René Just Haüy la distingue en 1814. Couleur : jaune de bronze pâle. © Leon Hupperichs, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
L’anglésite, une pierre de plomb Composée principalement de sulfate de plomb (PbSO4), l’anglésite est utilisée comme source mineure de plomb. Taillée, elle prend le statut de pierre fine. Couleurs : incolore, bleu, vert, gris, jaune. © Rob Lavinsky, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
La dundasite blanche et la crocoïte orange La crocoïte porte son nom en référence à la couleur du krokos, qui signifie « safran » en grec. Ce minéral est souvent associé à la dundasite blanche. De magnifiques cristaux de crocoïte sont exposés au British Museum de Londres. Couleurs : rouge hyacinthe et rouge orangé pour la crocoïte, blanc pour la dundasite. © JJ Harrison, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
Le gypse, des cristaux parfois géants Le gypse, composé de sulfate dihydraté de calcium (CaSO4·2H2O), désigne à la fois une espèce chimique et une roche. Il permet la fabrication du plâtre. Il en existe plusieurs variétés, l’une d’elles étant appelée gypse lenticulaire. Il s’agit alors de grands cristaux transparents pouvant prendre différentes formes : fer de lance, queue d’hirondelle ou même rose des sables. La mine de Naïca, située au Mexique, contient des cristaux géants dépassant 11 mètres de hauteur ! Couleurs : du blanc au gris, parfois rosé. © Ra’ike, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
L’arsenic rouge, un minéral d’artiste Le réalgar, ou arsenic rouge, est un minéral composé de sulfure d’arsenic (AsS). Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il a été utilisé comme pigment coloré par les peintres. Couleur : rouge orangé. © Rob Lavinsky, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
La barytine, de nombreuses applications industrielles La barytine, ou baryte, est un minéral constitué de sulfate de baryum (BaSO4). Son nom vient du grec ancien βαρύς, qui signifie « lourd ». La barytine est utilisée pour plusieurs applications industrielles : dans le papier, les plastiques et les vernis par exemple. Elle est également employée dans l’industrie pétrolière pour augmenter la densité des fluides de forage et limiter les risques de fuite de gaz. Elle peut aussi servir d’absorbeur de rayons gamma et est employée dans la construction de certains bâtiments comme les centrales nucléaires. Couleurs : incolore, parfois blanc ou jaune. © Kosioryt, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
La magnétite, un minéral de fer La magnétite est une espèce minérale ferrimagnétique composée d’oxyde de fer (Fe3O4). Connue depuis au moins l’âge du fer, elle constitue l’un des principaux minerais de fer. Couleur : noir. © Rob Lavinsky, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
La sidérite, un minéral associé à du magnésium La sidérite est principalement constituée de carbonate de fer (FeCO3). Ce minéral est rarement pur et est souvent associé à du magnésium et du manganèse. Il est très présent à l’intérieur des sols. À ne pas confondre avec les sidérites qui, en astronomie, sont des météorites métalliques composées de fer. Couleurs : marron, brun jaunâtre à grisâtre, gris, gris jaunâtre à verdâtre. © Rob Lavinsky, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
L’orthose, un minéral extraterrestre Minéral du groupe des silicates, l’orthose est présent dans les roches plutoniques et métamorphiques, c’est-à-dire formées par la recristallisation de roches sédimentaires ou magmatiques. On en trouve également dans certaines météorites. Couleurs : incolore, blanc, gris, jaune, jaune gris, rouge rose, rougeâtre, vert, verdâtre, rose. © Didier Descouens, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
La fluorite multicolore La fluorine, ou fluorite, est composée de fluorure de calcium (CaF2). Elle possède également des traces de différents ions, ce qui explique ses multiples couleurs. Elle est souvent utilisée en astronomie afin de limiter les phénomènes d’aberration chromatique sur les lentilles et les objectifs. Couleurs : incolore, vert, rose, violet, bleu, etc. © Rob Lavinsky, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
La topaze, un silicate La topaze fait partie des nésosubsilicates tout comme l’andalousite, le disthène et le sillimanite. Elle a longtemps été confondue avec l’olivine jaune. Son nom est d’ailleurs tiré de l’île de Topazios qui était un gisement d’olivine de la mer Rouge. La topaze peut changer de teinte par procédé artificiel. Couleurs : variées. © DidierDescouens, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
La rhodochrosite, une couleur éclatante La rhodochrosite est un carbonate de manganèse (MnCO3) relativement rare. Sa belle couleur rose rouge, très appréciée en joaillerie, est due à la présence de manganèse. Couleur : rose rouge. © The_Wookies, Wikimedia Commons, CC by 2.5
La magnifique topaze Espèce minérale de formule Al2SiO4(F,OH)2, la topaze peut contenir des traces de fer, de chrome, de magnésium et de titane. Lorsqu’on expose longtemps cette pierre fine à la lumière solaire, elle peut changer de couleur. Couleurs : incolore à blanc, bleu, verdâtre, brun jaune, orange, rose, rougeâtre, violet, brun. © Rob Lavinsky, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
La pyrite, l’or des fous Ce sulfure de fer est susceptible de cristalliser. Il prend alors des reflets dorés. Durant la ruée vers l’or, la pyrite a d’ailleurs été confondue par de nombreux mineurs avec le précieux métal à cause de son éclat et de sa couleur. Cet épisode lui a valu le surnom d’ « or des fous ». Couleurs : doré pâle. © DidierDescouens, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
L’aigue-marine, une pierre fine aux couleurs de la mer L’aigue-marine est une variété de béryl, une espèce minérale du groupe des silicates. Elle est considérée comme une pierre fine. Sa couleur bleu clair caractéristique évoque l’eau de mer, ce qui lui a valu son nom. Couleurs : incolore à bleu verdâtre. © Vassil, Wikimedia Commons, DP
La précieuse émeraude verte L’émeraude est une des quatre pierres précieuses. Sa couleur verte caractéristique provient de traces de chrome, de vanadium et parfois de fer. Sa formation nécessite des conditions géologiques exceptionnelles, ce qui la rend très rare. Couleur : vert. © Rob Lavinsky, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
La fluorite, le quartz et la rhodochrosite Les minéraux peuvent se rencontrer. Sur cette image, on peut observer un mélange de fluorite (rose clair), de quartz (translucide) et de rhodochrosite (rose éclatant). Ces trois pierres sont très appréciées en joaillerie. © Rob Lavinsky, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
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