Sciences

Climat : les Français réclament plus de sciences

Climatosceptiques, les Français ? Les événements extrêmes qui se sont enchaînés ces derniers mois, des inondations monstres au Pakistan aux canicules répétées en Europe, ont signé la fin du déni, selon l’étude dévoilée lundi 28 novembre par la Fondation Descartes, qui passe au crible la façon nous nous informons sur le dérèglement climatique – et la manière dont ces informations influent, ou non, sur nos comportements.

Selon ses résultats, moins de 2 % des Français ne croient pas au réchauffement climatique. Au contraire, une écrasante majorité – 90,1 % – pense que le dérèglement climatique aura, au moins « probablement », de graves conséquences négatives pour les humains et la nature dans un avenir proche. Comment expliquer, dès lors, les débats corrosifs que suscite dans le débat public la recherche de solutions ?

Pour le comprendre, les chercheurs ont soumis un corpus détaillé de questions à un panel représentatif de 2 000 Français, tout en mesurant, en parallèle, l’état de leurs connaissances factuelles sur le réchauffement climatique. Leurs résultats, parfois surprenants, ouvrent une série de pistes précieuses pour orienter l’action.

Les médias traditionnels jugés trop « militants »

Près de la moitié des Français (47,5 %) s’informent sur le climat via les médias traditionnels, auxquels ils accordent une confiance supérieure, seuls 19,4 % des répondants déclarant s’informer prioritairement via les réseaux sociaux. Une démarche saine : « La désinformation climatique a quasiment disparu des médias traditionnels, mais elle circule encore abondamment sur les réseaux sociaux », souligne Laurent Cordonier, directeur de la recherche à la Fondation Descartes.

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« On constate que les gens qui s’informent via les médias classiques ont un corpus de connaissances factuelles meilleur que les autres », ajoute le chercheur, qui a fait passer au panel une série de tests cognitifs afin d’identifier les éléments permettant à certains de se protéger contre la désinformation.

« Un style de pensée plus analytique protège davantage qu’une démarche intuitive », note-t-il. S’ils les consultent volontiers, les Français sont toutefois très critiques envers les médias, qu’ils jugent à la fois « moralisateurs » (52,8 %), « anxiogènes » (51 %), mais surtout trop « politisés ou militants » (61,7 %) et manquant souvent de rigueur scientifique (63,5 %).

« Des médias très engagés favorisent un traitement alarmiste des sujets, scientifiquement peu fiable. C’est très dommageable », déplore le chercheur, qui pointe le risque de « perdre une partie de la population, et conduire à une situation à l’américaine où le climat est devenu un sujet de clivage politique en tant que tel ».

Une demande de « solutions »

Le public, pourtant, aspire à une information neutre, rationnelle, ouverte aux scientifiques… afin de permettre l’action. Car c’est l’autre grand enseignement de cette étude : une large majorité du public (72,2 %) déplore que l’information sur le changement climatique soit traitée par les grands médias « de façon pas assez constructive, porteuse de solutions ».

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Cette demande d’un traitement plus rigoureux et concret « se retrouve de manière assez homogène dans l’ensemble de la population, même si elle est un peu plus marquée chez les personnes plus diplômées, plus intéressées que les autres par la question climatique et faisant preuve de meilleures connaissances factuelles sur le sujet », relève Laurent Cordonier (alors que les critiques sur la politisation des médias émanent, elles, plus souvent de répondants se disant politiquement proches de la droite ou de l’extrême droite).

Au regard des objectifs de réduction d’émissions de CO2 que le pays s’est fixés, cette aspiration à une information plus solide paraît une excellente nouvelle. « La prise de conscience est acquise et les gens sont prêts à passer à la phase 2, celle de l’action », analyse Laurent Cordonier.

Pas de « génération climat »

Comment ? L’étude a soumis aux répondants une liste de comportements individuels qu’ils pourraient consentir, y compris de manière contrainte. Une majorité de répondants se déclare favorable à l’interdiction de prendre des vols courts quand une alternative existe en train (78 %), comme à l’instauration d’une taxe CO2 sur les produits importés (72,4 %) ou à l’obligation pour les propriétaires de logements de remplacer leur chaudière au gaz ou au fioul par un système moins émetteur (67,1 %).

En revanche, les mesures réellement individuelles rencontrent moins d’enthousiasme : seuls 48,5 % des Français se disent « plutôt » ou « tout à fait » favorables à l’imposition d’une limite annuelle maximale d’émissions de CO2 par personne, seuls 37,6 % accepteraient l’idée d’une taxe carbone qui augmenterait de 5 % le prix du kilo de viande, et la création d’une taxe carbone sur les carburants ne convainc que 26,9 % des Français – même si le produit de cette taxe était reversé aux ménages, ils ne veulent pas entendre parler d’une hausse du prix des carburants.

« Les Français sont prêts à passer à l’action, mais à trois conditions, décrypte Laurent Cordonier, que les mesures soient efficaces, qu’elles ne soient pas perçues comme socialement injustes et qu’elles n’aient pas de conséquences trop négatives pour eux-mêmes. »

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D’où la nécessité, estiment les auteurs de l’étude, de communiquer de façon objective et transparente sur les effets attendus de telle ou telle mesure, « le fait de juger que les actions climatiques contraignantes sont efficaces [étant] de loin le facteur le plus important dans l’explication de leur acceptation », à tel point qu’il écrase l’effet des autres, soulignent les auteurs.

Qui dégomment, au passage, une autre idée reçue : celle d’une génération de jeunes qui seraient plus conscients des risques et plus déterminés à agir. « La génération climat dont les médias nous parlent, ce sont en fait les jeunes étudiants parisiens, sourit Laurent Cordonier. En réalité, les participants plus âgés ont une meilleure connaissance générale des questions liées au climat… L’âge ne joue aucun rôle sur le fait d’accepter des mesures contraignantes ou non. »


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