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On connaît déjà le grand gagnant de la Coupe du monde 2018 : c’est le jeu Mon petit prono

La plateforme de pronostics gratuite a réussi à conquérir 800 000 adeptes en quelques semaines, notamment grâce à un fort engouement dans les entreprises. Derrière elle se cache Mon petit gazon, un jeu très populaire chez les amateurs de foot.

« J’ai gagné 96 points hier avec l’Arabie saoudite ! » Au bout du fil, Ai Linh jubile. Après avoir parié lundi 25 juin sur une victoire 2-1 des Saoudiens sur l’Egypte de Mohamed Salah lors de la Coupe du monde 2018, cette Parisienne de 32 ans a pris la tête du classement des meilleurs pronostiqueurs de sa petite entreprise de management d’artistes musicaux. Une performance, pour celle qui se définit comme « la pire des footix [terme qui désigne un amateur de football très, très occasionnel]« . 

Ai Linh est inscrite sur Mon petit prono, une plateforme gratuite qui permet de créer en quelques clics un mini-championnat de pronostics sur le Mondial et d’y inviter ses amis. Son cas est loin d’être isolé. Depuis le début de la compétition, 800 000 personnes – dont une bonne partie de la rédaction de franceinfo.fr – ont été séduites par ce petit jeu au principe simple : chaque pari réussi rapporte un nombre de points plus ou moins important en fonction de son audace (miser sur une victoire du Panama contre la Belgique est risqué, mais peut rapporter gros), et donner le score exact double le nombre de points remportés. En revanche, un pronostic erroné assure un zéro pointé.

Martin Jaglin, cofondateur de Mon petit prono, a encore du mal à réaliser le succès de son bébé. « C’est complètement au-dessus de ce que nous avions prévu ! s’enthousiasme-t-il. On avait mis en place la même chose pour l’Euro 2016, qui avait fait l’objet d’un engouement médiatique à peu près similaire à ce Mondial. Sauf que cette année, on a dix fois plus d’utilisateurs qu’il y a deux ans ! » Le trentenaire assure par ailleurs que l’application pour smartphones créée pour l’occasion a été téléchargée à 400 000 reprises. La popularité du jeu est telle que les serveurs qui l’hébergent ont été à plusieurs reprises surchargés.

Pour Martin Jaglin, cet engouement s’explique par l’adoption massive de Mon petit prono dans les bureaux de l’Hexagone. « Cette année, beaucoup d’entreprises ont utilisé notre plateforme pour organiser leur compétition de pronostics entre collègues. Ça met de l’ambiance, et c’est plus facile à utiliser qu’un tableau Excel. »

La \"ligue\" Mon petit prono de la rédaction de franceinfo.fr.La « ligue » Mon petit prono de la rédaction de franceinfo.fr. (MON PETIT PRONO)

Thomas peut en témoigner. Chef de projet dans une entreprise qui développe des applications et des solutions de paiement pour téléphones mobiles, il a créé une « ligue » Mon petit prono pour défier ses collègues, qui travaillent aussi bien à Paris qu’à Dijon (Côte-d’Or) et Lausanne (Suisse).

Ça nous permet de suivre le Mondial ensemble, malgré la distance. C’est d’autant plus sympa que mes collègues de Lausanne sont à fond derrière la Suisse, ce qui crée une rivalité assez marrante. Du coup, on utilise le système de messagerie du site et de l’appli pour se charrier.Thomas, joueur de Mon petit pronoà franceinfo

Selon ce jeune homme de 28 ans, l’un des autres intérêts du jeu est de provoquer chez ses collègues une ferveur insoupçonnée pour des matchs a priori pas très emballants sur le papier. « Le classement est souvent serré, du coup on se retrouve à se passionner pour des rencontres comme Iran-Maroc dont on n’aurait rien à faire normalement », sourit Thomas, qui se souvient d’explosions de joie et de cris de déception dans son open-space lors d’un but à la dernière minute d’un match anodin du premier tour de la compétition.

« Je me suis surprise à carrément m’enflammer pour un match de la Croatie ! » abonde Alice, chargée des ressources humaines dans une ONG. « Ça te fait vivre la Coupe du monde différemment : d’habitude, je me réjouis quand les petites équipes arrivent à battre les favoris, mais là je suis sans pitié parce que je cherche à valider mes pronostics ! » lâche la trentenaire dans un éclat de rire.

On craignait que le décalage horaire ne joue pas en notre faveur, mais en fait, l’horaire des matchs est parfait pour le boulot.Martin Jaglin, cofondateur de Mon petit pronoà franceinfo

« Pendant la phase de poules, le premier match était à 14 heures, le suivant à 17 heures… C’est tentant d’allumer la télé qui se trouve dans un coin du bureau, ou de faire ‘Alt+Tab’ sur son clavier pour changer la fenêtre de son ordinateur et de regarder le match discrètement », sourit le cofondateur de Mon petit prono.

Passionné de foot (il ne rate aucun match du PSG et du Red Star, qui vient de décrocher son billet pour la Ligue 2), Thomas n’est pas pour autant verni dans ses pronostics depuis le début de la Coupe du monde. « J’ai un peu trop fait confiance aux favoris alors que le meilleur moyen de gagner des points est d’avoir le nez creux sur un match pour lequel le résultat est inattendu », se lamente-t-il.

Là, je suis complètement nul, je dois être avant-avant-dernier de notre ligue d’une quinzaine de joueurs. Et la plupart ne suivent le foot que d’un œil !Thomas, joueur de Mon petit pronoà franceinfo

Le jeune chef de projet rumine d’autant plus ses contre-performances que lui et ses collègues ont promis d’offrir à celui ou celle qui sera sacré meilleur pronostiqueur un maillot de son équipe favorite. Du côté d’Ai Linh et d’Alice, on prévoit plutôt un apéro festif de fin de compétition. « On a donné quelques conseils de dotations sympa et gratuites, qui ont parfois été suivis par des entreprises, ajoute Martin Jaglin. On a par exemple suggéré que le ou la cheffe du service s’engage à servir le café au grand gagnant pendant une semaine à la rentrée. »

L’engouement autour de Mon petit prono a-t-il fait la fortune des fondateurs du jeu ? « Pas du tout ! sourit Martin Jaglin. La publicité qui est affichée sur le site [un partenariat a été conclu avec la Française des Jeux et TF1] nous permet de payer les frais d’hébergement et les salaires de la dizaine de personnes de l’équipe pour le mois de juin, et c’est tout. »

Pour le cofondateur du service, le défi va consister à essayer de faire basculer le maximum de joueurs sur Mon petit gazon, le jeu de « fantasy football » lancé en 2011 dans lequel il n’est pas question de pronostics, mais plutôt de piocher dans les effectifs de Ligue 1 pour se constituer une équipe et affronter ses amis. Et pour lequel les revenus sont plus pérennes : les fondateurs du service se versent les deux tiers de leur salaire grâce aux revenus générés par la publicité, le tiers restant étant financé par les fonctionnalités payantes et facultatives proposées aux joueurs.

On veut faire en sorte que ceux qui se passionnent pour un Japon-Sénégal puissent aussi se chauffer devant un Angers-Nîmes en Ligue 1 !Martin Jaglinà franceinfo

Et pourquoi ne pas lancer une déclinaison de Mon petit prono pour la Ligue 1 ? Les équipes sont hésitantes. « On va lancer un sondage. Nous recevons beaucoup de messages hyper enthousiastes à cette idée, mais entre une Coupe du monde condensée en un mois et une Ligue 1 étendue sur 38 journées d’août à fin mai, il y a un monde. L’émulation ne sera peut-être pas la même », se questionne Martin Jaglin. 

Le trentenaire rappelle que Canal+ et la Française des Jeux avaient déjà tenté l’expérience et avaient fini par arrêter, sans doute faute d’engouement. Une analyse que partage Alice, qui ne s’imagine pas réitérer l’expérience pendant le championnat de France. « Au travail, même ceux qui ne sont pas passionnés de foot ont joué le jeu parce que le contexte est favorable : l’été approche, les vacances aussi, et le Mondial n’a lieu qu’une fois tous les quatre ans. C’est très bien comme ça, et je crois que ça nous suffit », estime la jeune femme.


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