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Mises en examen, SMS tendancieux, poursuites en Suisse… On vous résume la situation judiciaire de Tariq Ramadan

Depuis sa cellule de Fresnes, l’islamologue suisse, mis en examen pour « viol » et « viol sur personne vulnérable » le 2 février 2018, a vu de nouveaux éléments s’ajouter à ceux qui pesaient déjà sur lui.

L’étau se resserre un peu plus sur Tariq Ramadan. Mercredi 26 septembre, sa nouvelle demande de remise en liberté a été refusée par les juges. De nouveaux éléments sont apparus dans l’un des quatre dossiers d’accusations de viols et d’agressions sexuelles dont il fait l’objet. Des SMS échangés avec Christelle, la deuxième des quatre victimes présumées, ont mis à mal sa version des faits, lui qui avait toujours nié l’avoir frappée et violée.

Incarcéré à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) depuis sept mois, Tariq Ramadan, qui souffre d’une sclérose en plaques, a vu ses demandes de remise en liberté pour raisons médicales rejetées une à une. D’après la justice, son état de santé n’est pas incompatible avec une incarcération. Franceinfo vous fait le point sur la situation judiciaire de l’islamologue.

Mis en examen dans l’affaire Henda Ayari

La première confrontation, très attendue, entre le prédicateur musulman et sa première victime présumée a eu lieu jeudi 19 juillet 2018, dix mois après la plainte déposée par l’ancienne salafiste et cinq mois après la mise en examen de l’islamologue. Deux heures et demi d’entretien au cours desquels les deux ont campé sur leur position : Tariq Ramadan a nié en bloc, Henda Ayari a de son côté soutenu qu’elle avait été violée. Mais cette confrontation a mis à jour des contradictions dans la version de cette dernière.

Au moment de sa plainte déposée en octobre 2017, elle avait avancé que le viol avait eu lieu en mars 2012, à l’hôtel Holiday Inn de la gare de l’Est, à Paris. Elle était revenue sur ses propos devant les juges d’instruction, en donnant une autre date et un autre lieu : le 26 mai 2012 au Crowne Plaza, place de la République, à Paris. Or, ce 26 mai, l’enquête de police a révélé qu’elle se trouvait au mariage de son demi-frère à Rouen, en Seine-Maritime. Toutefois, ce rendez-vous était bien inscrit dans son agenda et Tariq Ramadan, lui, avait bien fait une réservation dans cet hôtel, avant de l’annuler.

Ces incohérences dans la version de la plaignante ont convaincu l’avocat de Tariq Ramadan, Emmanuel Marsigny, de déclarer qu’il « n’y a plus de dossier la concernant ». L’avocat d’Henda Ayari, Francis Szpiner, avait défendu sa cliente : « Elle n’est pas venue chez la juge en disant : ‘Croix de bois, croix de fer, je suis absolument certaine que cela s’est passé le 26 mai. Cela ne change rien aux accusations. » Henda Ayari et son avocat ont remporté une première victoire en apprenant, vendredi 20 juillet, que la demande de démise en examen, effectuée par Emmanuel Marsigny, avait été rejetée. 

Mis en examen dans l’affaire Christelle

C’est l’affaire qui connaît les rebondissements les plus récents. La plaignante handicapée, appelée Christelle dans les médias, accusait le théologien de l’avoir frappée et violée le 9 octobre 2009 dans un hôtel de Lyon. Lors d’une confrontation le 18 septembre dernier, les deux parties étaient restées sur leur position, Tariq Ramadan évoquant uniquement un « jeu de séduction virtuel et sexuel », qualifiant les accusations de « pure affabulation », rapporte Libération. Mais de nouveaux éléments, notamment des SMS retrouvés dans le téléphone portable de Christelle, sont venus mettre à mal sa version.

Lundi 24 septembre, les juges d’instruction ont reçu les conclusions du rapport d’expertise qui a mis en évidence que, du 31 août au 15 décembre 2009, 255 textos ont été envoyés du portable de Tariq Ramadan à celui de Christelle, soit plus de deux par jour, éclaire Le Monde. Lors de cette fameuse journée du 9 octobre 2009, il aurait ainsi envoyé 9 textos à Christelle. Dans le premier, il invitait la jeune femme dans sa chambre alors qu’il avait évoqué, au cours des interrogatoires, n’avoir toujours voulu que boire un verre avec elle. Dans un autre, il était encore plus explicite : « J’étais sous la douche… mais attends ma douce chienne !!!! ». Ceux du lendemain ont corroboré la soirée et la violence subie par la victime présumée. « J’ai senti ta gêne… désolé pour ma ‘violence’. J’ai aimé… Tu veux encore ? Pas déçue ? », reçoit-elle. Quelques heures plus tard, Tariq Ramadan avouait regretter ce qu’il s’est passé : « Tu n’as pas aimé… Je suis désolé [Christelle]. Désolé. » 

Ces nouveaux éléments sont « un tournant majeur, parce que ça met à mal tout le système de défense de monsieur Ramadan, parce que ça met en lumière le système Ramadan avec les femmes », a déclaré sur franceinfo Eric Morain, avocat de Christelle mercredi 26 septembre. Ils ont aussi poussé les juges à rejeter la nouvelle demande de remise en liberté, avait appris franceinfo ce même jour. 

Pas de mise en examen dans l’affaire 
Mounia Rabbouj

Mounia Rabbouj, ancienne escort-girl impliquée dans le procès pour proxénétisme au Carlton dans l’affaire DSK, a porté plainte pour viols contre Tariq Ramadan, le 7 mars. Elle affirme avoir été violée à neuf reprises, en France, mais aussi entre Londres et Bruxelles. Le jeu de séduction avait débuté sur les réseaux sociaux. L’islamologue a été entendu par les juges d’instruction jeudi 5 juin. Lors de ses interrogatoires, il avait reconnu, pour la première fois, qu’il avait bien eu une relation sexuelle avec une de ses plaignantes. « Il a longuement expliqué aux magistrats qu’il y avait eu des jeux sexuels, qu’il y avait eu des relations sexuelles également mais qu’elles ont toutes été toujours librement consenties », avait affirmé son avocat, Emmanuel Marsigny. 

Il a évité une troisième mise en examen, mais a été placé sous le statut de témoin assisté. « C’est un soulagement pour Tariq Ramadan, qui depuis le début de cette affaire ne cesse de clamer son innocence et de dire qu’il fera confiance à la justice », avait déclaré l’avocat à franceinfo le 6 juin. A l’époque, il parlait de cette non-mise en examen comme d’un « tournant dans cette information judiciaire ».

Visé par une information pénale en Suisse

Après les trois affaires en France, le théologien helvète est désormais sous la menace d’une mise en examen en Suisse après l’ouverture d’une information pénale, le 16 septembre, révélait Le Parisien. La justice suisse a retenu les qualifications de « viol » et « contrainte sexuelle » dans le cadre d’une plainte déposée en avril dernier par Brigitte, une Suissesse. Les faits remonteraient à octobre 2008 et se seraient déroulés dans un hôtel de Genève.

La quadragénaire accuse Tariq Ramadan de l’avoir attirée dans sa chambre, où il l’aurait violée et retenue pendant des heures contre son gré. « J’ai eu peur de mourir. J’étais terrifiée et paralysée », racontait-elle dans son témoignage publié par la Tribune de Genève (article payant)Comme les autres victimes présumées, Brigitte a concédé qu’elle était sous l’emprise du théologien, d’où un tel laps de temps avant d’intenter une action en justice.

L’avocat de la plaignante, Romain Jordan, a indiqué à franceinfo que cette information judiciaire était « une décision importante pour [sa] cliente »Tariq Ramadan pourrait être mis en examen (« mise en prévention », selon le droit suisse) et auditionné sous commission rogatoire internationale dans le courant du mois d’octobre. Une nouvelle mise en cause qui n’inquiète pas son avocat, Emmanuel Marsigny, qui évoque un « non-évènement » dans Le Parisien. Mais cette quatrième affaire donne pourtant encore plus de corps aux lourds soupçons qui pèsent sur le théologien.


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