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Etats-Unis : pourquoi la Californie fait face aux incendies les plus meurtriers de son histoire

Les incendies qui ravagent le nord et le sud de la Californie ont fait au moins 42 morts, selon un dernier bilan réalisé mardi. Des vents violents et secs, une rapidité sans précédent du feu, les spécificités de la Californie expliquent ce lourd bilan humain.

« C’est l’incendie de forêt le plus meurtrier de l’histoire » de la Californie, a déclaré lundi 12 novembre le shérif du comté de Butte, en communiquant le nouveau bilan humain. Au moins 42 personnes ont péri dans les feux qui ravagent des dizaines de milliers d’hectares dans cet Etat américain. Par ailleurs, la sécurité de plus de 200 personnes faisant l’objet d’une demande n’a pu être vérifiée.

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Alimenté par des vents violents, le feu baptisé « Camp Fire », qui ravage le nord de la Californie, au pied des montagnes de la Sierra Nevada, a démarré jeudi. Le « Camp Fire » a donc désormais fauché plus de vies que le « Griffith Park Fire » (29 morts dans les environs de Los Angeles en 1933). Parallèlement, les pompiers doivent faire face à l’incendie « Woolsey Fire », dans le sud de l’Etat, qui a fait deux morts.

Plus de 250 000 personnes ont reçu l’ordre d’évacuer leurs domiciles dans une vaste région près de Sacramento, capitale de cet Etat de l’ouest des Etats-Unis, et dans la célèbre station balnéaire de Malibu. Comment expliquer un bilan si lourd ? Eléments de réponse.

Un feu qui se propage à une vitesse extrêmement rapide

« Il y a dix ou vingt ans, vous restiez dans vos maisons quand il y avait un incendie et vous étiez capables de les protéger », a constaté Mark Lawrenson, le chef des pompiers du comté de Ventura, voisin du comté de Los Angeles, lors d’une conférence de presse. Désormais, les autorités californiennes mettent en garde contre une propagation des incendies plus rapide que par le passé. « Les choses ne sont plus ce qu’elles étaient. Le taux de propagation est exponentiellement supérieur à ce qu’il était. Je vous en prie, tenez compte des ordres d’évacuation. Ne restez pas chez vous », a ainsi imploré Mark Lawrenson. 

« Ce n’est pas une nouvelle normalité, c’est une nouvelle anormalité. Et cette nouvelle anormalité va se poursuivre, sans doute dans les dix à quinze ou vingt ans », a estimé de son côté le gouverneur de Californie, Jerry Brown, lors d’une conférence de presse.

Malheureusement, la meilleure science nous dit que la sécheresse, la chaleur, toutes ces choses vont s’intensifier.Jerry Brown, gouverneur de Californie

A Paradise, ville ravagée par les flammes, à 160 km au nord de Sacramento, les habitants ont eu très peu de temps pour fuir. Les flammes attisées par de violentes rafales ont rapidement recouvert les routes. « On a eu moins d’une heure pour s’enfuir, témoigne Don, un habitant, auprès de franceinfoQuand on est descendus de la colline, il y avait des flammes tout autour de la voiture. » Il ajoute : « Le feu sautait par-dessus le toit du véhicule. On était la dernière voiture à passer. Nous, on a eu de la chance. » Certains décrivent aussi des « murs de flammes ». Plusieurs personnes ont été piégées dans leur véhicule alors qu’elles tentaient de s’enfuir.

De nombreux véhicules calcinés ont été découverts à Paradise.De nombreux véhicules calcinés ont été découverts à Paradise. (JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Toutes ces conditions créent des sortes de « méga feux ». Ces incendies gigantesques deviennent des tourbillons de chaleur, susceptibles d’envoyer des particules incandescentes ou de revenir sur leur trajectoire. Une difficulté de plus pour les pompiers. Lundi, le « Camp Fire » n’était toujours contenu qu’à 25%, mais il a ravagé 4 500 hectares du comté de Butte, une zone où il n’est pas tombé plus d’un centimètre d’eau depuis plus de trente semaines.

Une végétation propice aux incendies

Aux vents violents – et particulièrement chauds – s’ajoutent la sécheresse qui sévit en Californie, le climat méditerranéen qui y règne et une végétation particulière. En effet, l’Etat est parsemé de gigantesques forêts qui constituent de véritables poudrières. La sécheresse de ces dernières années y a laissé des traces : « 102 millions d’arbres morts », dénombre Scott McLean, porte-parole du département californien des forêts et de la protection contre les incendies, auprès de CNN (en anglais). Le taux d’humidité du bois est également bien plus faible que la moyenne.

A côté de ces vastes forêts, la Californie possède une végétation prête à s’enflammer. On la retrouve sur la chaîne côtière autour de Los Angeles et San Diego, qui est couverte de chaparral, l’équivalent du maquis ou de la garrigue en France. « C’est une végétation très fine, composée de buissons et d’herbes qui sèchent extrêmement vite », explique Thomas Curt, directeur de recherche à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea), à franceinfo. Un écosystème qui favorise une combustion rapide : « Le chaparral dégage des huiles essentielles qui font que quand ça chauffe, ça s’enflamme très vite », ajoute Thomas Curt.

Samedi, dans un tweet, Donald Trump a jugé que la cause de ces incendies était la gestion des forêts et a menacé de supprimer les subventions fédérales si elle n’était pas améliorée. 

Ce tweet est « mal informé, inopportun et humiliant pour tous ceux qui souffrent aussi bien que pour les hommes et les femmes sur la ligne de front », a réagi Brian Rice, chef du syndicat des pompiers californiens, en qualifiant de « dangereusement fausse » l’affirmation selon laquelle les forêts seraient mal gérées. Mais dimanche, le président américain a récidivé, dans un tweet : « Avec une gestion adéquate de la forêt, nous pouvons stopper la dévastation qui frappe constamment la Californie. Soyez malins ! »

Ces accusations ont été balayées par différents experts. D’une part, les incendies actuels concernent des zones urbaines où la gestion forestière ne saurait être mise en cause. D’autre part, certains observateurs y voient l’occasion pour Donald Trump de s’en prendre à l’Etat de Californie, « dont les valeurs et la politique sont aux antipodes du projet du président américain », souligne le Huff Post. En outre, une polémique oppose depuis des années défenseurs de l’environnement et industrie du bois : les premiers soupçonnent l’administration Trump d’autoriser une déforestation des forêts californiennes qui se trouvent sur des terres publiques, rapporte Le Monde (article abonnés)

Le cas spécifique de la ville de Paradise

La ville de Paradise, localité de 27 000 habitants au nord de Sacramento, a été littéralement rayée de la carte, laissant place à des paysages de désolation. Plus de 6 000 bâtiments ont été détruits – dont un hôpital et des maisons – et nombre de victimes des incendies sont originaires de cette ville. De nombreux retraités et personnes modestes vivent à Paradise, rapporte Grégory Philipps, envoyé spécial de franceinfo sur place. Des personnes moins mobiles, qui n’avaient pas forcément de voiture et qui ont eu plus de mal à fuir les flammes. 

Auprès du journaliste, Don, un septuagénaire qui vit à Paradise, redoute un lourd bilan. « Il y aura beaucoup plus de morts. Certains ont pu s’en sortir, pas d’autres : sans voiture, il était impossible de s’échapper. J’ai vu des gens sortir de leur véhicule et se mettre à courir paniqués sur la route. »


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