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InSight : la Nasa donne son feu vert pour poser au sol le sismomètre francais

La Nasa s’apprête à donner son feu vert au déploiement sur le sol du sismomètre Seis et du capteur de flux thermique HP3. Pour fonctionner, ces deux instruments qui sont aussi le cœur de la mission doivent être installés sur le sol. Pour les poser, le lander InSight utilisera un bras robotique. Ce sera la première fois dans l’histoire de l’exploration planétaire qu’une telle manœuvre robotique est réalisée ; elle est prévue mardi. David Mimoun, le représentant de l’équipe Seis, répond à Futura-Sciences pour le choix de la localisation du site de déploiement.

L’atterrissage d’InSight dans la plaine d’Elysium ne signifie pas que la mission du lander soit finie ! En effet, bien qu’il se soit posé dans de bonnes conditions, le sismomètre Seis et le capteur de flux thermique HP3 doivent impérativement être installés sur le sol pour débuter leurs mesures. Et cette tâche incombe au bras robotique dont le « go » était attendu aujourd’hui. La manœuvre est prévue pour débuter dès demain.

La parole est donnée à David Mimoun, le représentant de l’équipe Seis, pour le choix de la localisation du site de déploiement. Ce professeur à l’ISAE-Supaéro est aussi responsable des cartes du bruit martien de la mission InSight et du microphone qui sera installé à bord du rover Mars 2020.

L’emplacement du sismomètre Seis et celui du capteur de flux thermique HP3 ont-ils été difficiles à déterminer ?

David Mimoun : Non. Le choix a été simple. La zone de travail est très dégagée ! Mais nous avons eu beaucoup de chance car nous avons atterri sur le bord d’un ancien cratère (« hollow ») rempli de sable. C’est tout plat devant nous… mais il y plein de cailloux derrière le lander.

InSight s’est donc posé dans les meilleures conditions possibles ?

David Mimoun : Oui. Le site d’atterrissage est bien plat et ne compte quasiment aucun caillou et roche dans la zone de déploiement. Comme on le souhaitait, il s’est posé avec ses panneaux solaires orientés vers l’ouest et l’est, et le secteur de déploiement des instruments situés devant le bras robotique fait face au sud.

S’agit-il du premier choix ?

David Mimoun : Oui. Les deux instruments seront déployés devant le lander, le plus loin possible et tout droit devant la boîte qui contient le câble reliant l’électronique au capteur.

Quelles étaient les principales contraintes dans le choix de cet emplacement ?

David Mimoun : On avait deux sortes de contraintes. Des contraintes d’ingénierie qui nous imposaient par exemple de nous installer sur une pente inférieure à 15 degrés ainsi que l’absence de cailloux de plus de trois centimètres sous le sismomètre et son bouclier thermique. Quant aux contraintes scientifiques, elles étaient liées à la minimisation du bruit, c’est-à-dire qu’il fallait se déployer à bonne distance du lander et de l’autre instrument HP3 (suivant les cartes de bruit). Il fallait également que les trois pieds du sismomètre reposent sur le même type de sol (pour éviter d’avoir un pied sur un caillou ou une zone plus dure et un autre sur un sol plus mou).

Comment va se faire l’étanchéité entre le bouclier et le sol ?

David Mimoun : Le bouclier thermique a une « jupe » composée d’une cotte de mailles métallique, d’un tissu pour absorber les petits chocs liés aux grains de sable qui volent au ras du sol (saltation) et de Kapton pour assurer la qualité thermique de l’ensemble. Celle-ci est assurée pour des cailloux jusqu’à six centimètres.

Ces deux instruments seront posés sur le sol martien à l’aide d’un bras robotique. S’agit-il d’une première sur Mars ?

David Mimoun : Effectivement. Le sismomètre comme le capteur de flux thermique seront déployés à l’aide d’un bras robotique. Ce n’est pas la première fois qu’une mission martienne utilise un bras robotique. Mais, si Sojourner (1997), les deux rovers MER (2004), Phoenix (2008) et Curiosity (2012) sont dotés d’un bras, c’est la première fois qu’il servira à déployer des instruments sur Mars.

Des risques particuliers dans son utilisation ?

David Mimoun : Oui. Notamment parce que c’est la première fois qu’une telle manœuvre de déploiement sera réalisée sur la surface d’une autre planète. Il ne faut pas de vent pour que le grappin puisse déployer correctement le sismomètre.

Quelles sont ses performances ?

David Mimoun : Il est capable de soulever sans problème le sismomètre qui pèse 9 kg, le bouclier thermique et éolien WTS de 7,5 kg et les 3 kg du capteur de flux thermique HP3. Étiré au maximum, le bras peut atteindre une zone située à une distance de deux mètres de l’atterrisseur.

Notez qu’il possède également une pelle d’une capacité moyenne de 500 grammes de sol, héritage d’une mission précédente (Phoenix).

Il va ramasser des cailloux ?

David Mimoun : Non pas vraiment. Il n’a pas été ôté au cas où il aurait été nécessaire de préparer le terrain avant la dépose des deux instruments en déplaçant un caillou gênant, aplanissant une petite butte, ou de vérifier la nature du sol.

L’avez-vous utilisé ?

David Mimoun : Non, cela n’était pas prévu.

Est-il prévu de déplacer plus tard ces deux instruments ?

David Mimoun : Non. Notamment parce que l’on va effectuer des opérations irréversibles, comme ouvrir la boucle d’aisance du câble du sismomètre.

Ce qu’il faut retenir

  • La Nasa a donné son feu vert au déploiement sur le sol martien du sismomètre Seis et du capteur de flux thermique.
  • Pour les déposer sur le sol, le lander utilisera un bras robotique.
  • Ce sera la première fois dans l’histoire de l’exploration planétaire qu’une telle manœuvre robotique sera réalisée.
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Pour en savoir plus

Mission InSight : un sismomètre français va se poser sur Mars

Article de Rémy Decourt publié le 21/11/2018

Avec la mission InSight, la connaissance de Mars va faire un bond très significatif. Pour la première fois, une mission est spécifiquement conçue pour étudier la composition interne de la Planète rouge par séismologie, géodésie et propriétés thermiques. Et cocorico, l’instrument qui permettra cela est un sismomètre français !

Enfin. Six ans après sa sélection, la mission InSight avec à son bord le sismomètre français Seis va arriver à destination de Mars, ce 26 novembre, après un voyage de six mois. L’atterrissage du robot aura lieu dans Elysium Planitia, pas très loin du rover Curiosity.

Mars InSight, première mission dédiée à l’étude interne de Mars

Pendant plus d’une année martienne, jusqu’en novembre 2020, InSight étudiera la structure interne de la planète au cours d’une mission inédite. C’est en effet la première fois qu’un sismomètre sera utilisé à même la surface de Mars. Avec cette mission, les scientifiques souhaitent mieux comprendre la formation et l’évolution des planètes telluriques à travers l’étude de la structure et des processus intérieurs de Mars. Ils voudront également déterminer le niveau de l’activité tectonique et sismique de Mars, ainsi que mesurer le taux d’impact des météorites contre la surface de la planète.

InSight, c’est aussi une série de premières remarquables :

  • Première mission dédiée à l’étude de la structure interne de Mars ;
  • Première mission à placer un sismomètre sur la surface martienne, en contact direct avec le sol ;
  • Première tentative de détecter des tremblements de terre sur une autre planète que la Terre ;
  • Première utilisation d’un instrument automartelant pour s’enfoncer profondément dans le sous-sol, jusqu’à cinq mètres, soit 15 fois plus profond que tout autre mission martienne précédente ;
  • Première utilisation d’un bras robotisé pour déposer sur le sol martien un instrument ;
  • Première mission dans l’espace lointain pour des Cubesat (mission MarCO).

Dans l’article ci-dessous, Philippe Lognonné, responsable scientifique du sismomètre Seis, répond à Futura-Sciences et nous dit tout sur la mission inédite d’InSight.

Tout sur le sismomètre martien de la future mission InSight

Article de Rémy Decourt, publié le 22/09/2012

L’étude sismologique des planètes et de la Lune est la grande absente de l’exploration du Système solaire. Or, pour déterminer la structure interne d’une planète, c’est une des méthodes les plus fiables. En 2016, la Nasa compte envoyer un sismomètre français sur Mars pour écouter le cœur de la planète. Philippe Lognonné, responsable scientifique de l’instrument, répond à Futura-Sciences

L’idée d’envoyer un sismomètre sur Mars n’est pas nouvelle. En 1975, les deux missions américaines Viking en embarquaient chacune un. Malheureusement l’un n’a pas fonctionné et l’exploitation des données du second a montré que l’emplacement choisi pour l’installer ne se prêtait pas du tout à l’étude de la structure interne de la planète. En effet, l’instrument n’était pas en contact direct avec le sol, de sorte qu’il n’a mesuré… que des données sur le vent martien.

Les tentatives suivantes ont toutes échoué, la sonde n’arrivant jamais à destination, comme la mission russe Mars96 (échec au lancement), ou tout simplement en raison d’annulation. En 2003 le Cnes abandonne le projet NetLander qui prévoyait l’installation sur la surface martienne d’un réseau de stations géophysiques et météorologiques. En 2009, l’ESA débarquait de la future mission ExoMars la charge utile Humboldt (qui comprenait le paquet géophysique) et avec elle le sismomètre Seis.

De NetLander à ExoMars, les sismomètres étaient développés avec le soutien du Cnes par l’équipe Géophysique planétaire et spatiale de l’Institut de physique du globe de Paris. Loin d’être découragée par ces revers, l’équipe dirigée par Philippe Lognonné, professeur à l’université Paris Diderot, a poursuivi ses travaux sur d’autres projets, comme celui de la Jaxa qui consiste à envoyer un sismomètre sur la Lune (mission Sélène-2) ou de la sonde européenne BepiColombo à destination de Mercure.

Bien lui en a pris : la Nasa vient de sélectionner la mission InSight, pour laquelle le sismomètre Seis (Seismic Experiment for Interior Structures) est l’instrument principal. En 2016, 40 ans après les missions Viking, l’atterrisseur InSight se posera sur Mars pour une mission d’une durée d’au moins une année martienne, soit deux années terrestres.

Un emplacement choisi pour le sismomètre d’InSight

Le sismomètre embarqué sur InSight sera très différent de celui qui était prévu sur ExoMars. Il sera « bien mieux adapté à l’étude de la structure interne de la planète ». Avec ExoMars, il était posé sur la surface, au petit bonheur la chance. « On avait mis des trous à l’intérieur du plancher de l’atterrisseur de façon à le mettre en contact avec le sol en déployant ses pieds ! » Cette solution ne permettait pas « de choisir l’endroit où le sismomètre allait être posé. On courait le risque de se retrouver au-dessus d’un caillou ».

Avec InSight, la stratégie est « tout autre et bien mieux pensée ». L’atterrisseur sera doté d’un bras et d’une caméra, ce qui va « permettre de choisir avec précision l’emplacement de l’instrument ». Plusieurs mètres carrés seront disponibles autour d’InSight, jusqu’à une distance d’un mètre. Dès que son emplacement aura été choisi, le bras le saisira et le positionnera « là où les scientifiques le souhaitent ».

Autre différence, sa durée de vie sera d’au moins deux années terrestres, contre six mois pour celui d’ExoMars. Pour s’assurer d’un « niveau de performance constant à réaliser pendant toute la durée de la mission initiale avec peut-être une petite dégradation lors de la mission étendue », l’équipe a pris un certain nombre de précautions et redondé de nombreux composants, ce qui en fait « un instrument d’une très grande fiabilité », fruit d’une collaboration étroite entre le Cnes, l’IPGP et de nombreux autres partenaires européens (ETHZ, MPS, IC, ISAE) et américain (JPL).

Protéger le sismomètre du vent et des variations de température

Avec InSight, le sismomètre se trouve de facto exposé au soleil et au vent, ce qui « nous contraint à le recouvrir d’une protection thermique et éolienne, de telle façon que les variations de température soient aussi faibles que possible et que l’action directe du vent se fasse sur la protection et non pas sur l’instrument ». Il a donc fallu prévoir un bouclier éolien et thermique qui « couvrira tout autant le sismomètre que le sol autour du capteur ».

Cette protection devra de plus être insensible « aux tempêtes martiennes et aux vents très forts des dust devils, ces tourbillons de poussières qui parcourent la surface martienne ». Ce bouclier, de plusieurs kilogrammes, sera réalisé par le Jet Propulsion Laboratory et utilisera « une protection thermique très performante d’aérogel ». L’instrument embarque également un « système de compensation thermique inventé par Sylvain Tillier, ingénieur mécanicien de l’équipe. Ceci rendra le sismomètre de un à trente fois moins sensible que les instruments terrestres ».

Concernant les objectifs scientifiques, ils « sont bien plus importants que ceux de la mission ExoMars ». Le premier est de « détecter des séismes » et le second de « déterminer un modèle moyen de la planète ». C’est-à-dire d’évaluer le rayon et la profondeur du noyau, s’il est liquide ou non, l’épaisseur de la croûte et la structure moyenne du manteau et ses discontinuités. L’idée est « d’obtenir un modèle de structure interne de Mars qui correspond à la vision moyenne qu’on avait de la Terre au milieu du XXe siècle ».

Détecter les tremblements de Mars

Si sur Terre on détecte les tremblements de terre de magnitude de 5,5, ceux de Mars seront globalement de 3,5 à 4,5. La planète étant plus petite, les ondes se propagent sur des distances plus faibles. Pour les très gros séismes, « elle a moins besoin d’énergie pour vibrer comme une cloche ». On estime « qu’un ou deux tremblements se produisent chaque année sur Mars avec une magnitude de plus de 5,5, mais plus de 40 avec une magnitude supérieure à 4 ».

À la marge des champs d’applications du sismomètre, on « suppose qu’il pourrait analyser le bruit sismique ». Ce bruit, « qu’on peut résumer en un signal recueilli quand il n’y a pas de tremblement de terre », dépend de l’environnement de la planète. Les séismes sont « des vibrations du sol ou consécutif à un impact » mais le sol peut vibrer pour beaucoup d’autres raisons. Par exemple, sur Terre il vibre à cause du vent, des arbres ou encore des océans qui tambourinent sur les planchers océaniques. Actuellement, on n’a « aucune idée sur la nature du bruit sismique martien ». L’équipe du sismomètre se demande s’il sera possible d’enregistrer des ondes sismiques « générées par les dust devils ou les turbulences atmosphériques ». Le sismomètre détectera aussi les faibles variations de gravité générées par la marée de Phobos, une des deux lunes de Mars.

InSight se posera dans un endroit très peu risqué, dans la plaine d’Elysium, une région historiquement moins active que le plateau de Tharsis mais qui a « quand même montré des signes d’activités volcaniques dans les dernières dizaines de millions d’années ». Pour se poser, il utilisera un système similaire à celui des missions Viking ou à la mission Polar Lander, à savoir un bouclier thermique, un parachute et des rétrofusées.

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