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Résultats brouillés, affaiblissement de la démocratie, appels à repenser le scrutin : quelles sont les conséquences de l’abstention aux élections régionales ?

Un record. L’abstention a atteint un pic historique, dimanche 20 juin, avec 66,1% des Français qui ont boudé le premier tour des élections régionales et départementales, selon notre estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions. Cela représente une augmentation de 16 points par rapport au précédent scrutin de 2015.

Si cette hausse s’explique en partie par le contexte sanitaire et un manque d’intérêt pour ces scrutins, elle s’inscrit également dans un contexte général de démobilisation électorale. Elle pourrait avoir des conséquences sur la vie démocratique et les rendez-vous électoraux à venir. Franceinfo vous explique comment.

Des leçons politiques difficiles à tirer

« Dernier scrutin avant la présidentielle »,« répétition générale », « tour de chauffe avant la présidentielle »… Les formules liant le scrutin régional à l’échéance de 2022 n’ont pas manqué tout au long de cette campagne. Les élections régionales et départementales 2021, dernières du mandat d’Emmanuel Macron, devaient en effet permettre de prendre le pouls avant l’élection présidentielle. Ainsi, Marine Le Pen comptait sur ces scrutins pour confirmer son statut de première opposante à Emmanuel Macron, et asseoir la présence territoriale du Rassemblement national.

De même, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez, présidents sortants des régions Île-de-France, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes et candidats potentiels à la course à l’Élysée avaient conditionné leur campagne pour 2022 à leur réélection à la tête de leur région. Mais si tous les trois sont bien partis pour garder leur siège à l’issue de ce premier tour, il ne faut pas forcément y voir un signe pour leur réussite potentielle au scrutin de 2022. 

Ainsi, seuls 33% d’électeurs ont voté en Hauts-de-France selon notre estimation Ipsos/Sopra Steria, dont 42,1% d’entre eux ont déposé un bulletin Xavier Bertrand. Difficile donc de tirer de ces chiffres des interprétations nationales. Le taux d’abstention record a peut-être bénéficié aux présidents sortants, avance Jean-Philippe Moinet, politologue et fondateur de La Revue civique, mais brouille les cartes et relativise le retour du clivage gauche-droite, la débâcle de la majorité présidentielle ou encore l’échec du Rassemblement national.

Elections régionales et départementales : "l'abstention ne bénéficie à personne (...) mais il peut y avoir une prime aux sortants", assure Jean-Philippe Moinet, politologue et fondateur de la Revue Civique

Un affaiblissement de la démocratie

Tous les politiques ont alerté sur ce « terrible séisme politique » selon les mots de Matthieu Orphelin, tête de liste EELV dans les Pays de la Loire. « Le niveau de l’abstention est particulièrement préoccupant », a réagi le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, alors que le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a parlé d’une « abstention abyssale » qui ne profite à aucun parti : « Personne ne peut sortir le champagne ce soir. »

L’abstention peut-elle minorer la valeur des résultats ? « Certains ne vont pas tarder à remettre en cause la légitimité des élus avec 33% des électeurs, analyse Olivier Rouquan, politologue, chercheur associé au Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques (Cersa). Vous avez été élus avec 12% des gens, ça baisse quand même la qualité de la démocratie. » Pour le directeur du Cevipof, Martial Foucault, cette abstention va peser sur le mandat des futurs présidents de région : « Ils vont traîner ça comme un boulet, à chaque crise, on va le leur rappeler. »

Des appels à reconnaître le vote blanc

A peine les résultats tombés, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan se sont rejoints sur un point. L’abstention record menace la légitimité de ces élections régionales et départementales. Pour le premier, « une démocratie sans électeur n’est pas une démocratie ». Pour le second, « les résultats n’ont pas de légitimité populaire ». Dès lors, les deux proposent de reconnaître le vote blanc, qui n’est actuellement pas pris en compte dans le nombre des suffrages exprimés.

« Je suis un peu circonspect sur la reconnaissance du vote blanc, tempère Martial Foucault. Régler la question de l’abstention par une reconnaissance du vote blanc est une voie sans issue. » Le politologue juge que « la question du vote obligatoire va se poser, c’est une manière de dire que tout le monde a voté et qu’il n’y a pas de problème ». Sans aller jusque-là, Jean-Luc Mélenchon a réclamé une commission d’enquête sur le scrutin et annoncé que son parti allait déposer « une proposition de loi pour un seuil minimum de participation pour qu’une élection soit valide ».


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