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Isabelle Huppert ouvre le Festival d’Avignon dans une « Cerisaie » qui manque de sève

C’est une de ces journées avignonnaise un peu folles qui a vu Tiago Rodrigues nommé à la tête du premier festival de théâtre du monde, le matin par Roselyne Bachelot, et qui le soir même ouvrait le festival dans la Cour d’honneur du Palais des papes, devant 2 000 spectateurs vaccinés ou munis d’un test PCR et affamés de théâtre. Avec, en tête d’affiche, Isabelle Huppert, à l’initiative du projet.

Des applaudissements nourris du public ont répondu aux trompettes de Maurice Jarre annonçant le début du spectacle. Un public réjoui de se retrouver au coude à coude, face à la scène mythique du Palais des Papes et ses hauts murs qu’il faut savoir apprivoiser. Deux heures et demie plus tard, les applaudissements étaient moins enthousiastes.

"La Cerisaie", ouverture de la 75e édition du Festival d'Avignon (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

"La Cerisaie", ouverture de la 75e édition du Festival d'Avignon (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Il faut dire que l’on attendait beaucoup de cette Cerisaie, l’histoire d’un basculement entre le monde d’avant et le monde d’après qui pourrait annoncer la révolution russe, et l’espoir pour chacun d’une ascension sociale. La dernière pièce de Tchekhov qui se savait condamné par la tuberculose, dirigée par un metteur en scène de premier plan (Antoine et Cléopâtre et Sopro ont été joués en Avignon), dans la traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan.

Sur la scène des lustres à pampilles pendent à des silhouettes de métal, les anciens sièges de la cour occupent l’immense scène. Isabelle Huppert est Lioubov, une aristocrate désargentée qui revient, après 5 ans d’absence et la mort de son fils, dans La Cerisaie, son domaine qui va être vendu aux enchères.

Adama Diop et Isabelle Huppert dans "La Cerisaie" (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Adama Diop et Isabelle Huppert dans "La Cerisaie" (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Accompagnée par deux musiciens (une musique omniprésente), toute la petite communauté accompagne son retour par un chant de bienvenue nostalgique et chaleureux. Un des rares moment d’émotion d’un spectacle qui très vite se dilue et s’étire par des choix de mise en scène qui font écran autant à l’empathie qu’à l’acidité que dégage le texte, parfois écrasé sous les riffs de guitare électrique. Mise en scène, qui, au final, n’apporte pas de vrai éclairage à la pièce.

"La Cerisaie", mis en scène de Tiago Rodrigues (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

"La Cerisaie", mis en scène de Tiago Rodrigues (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

On est déçu, d’abord pour Isabelle Huppert, merveilleuse actrice qui sait donner à son personnage de cheffe de clan, de femme fantasque, l’ambivalence et la mélancolie de celle qui ne veut pas choisir et laisse les choses se faire avec fatalité. Autour d’elle, de la galerie de portraits si bien dessinés par Tchekhov, certains tirent leurs épingles du jeu. Adama Diop est un remarquable Lopakine. Alors qu’il est souvent réduit à un cynique, Rodrigues donne une vraie épaisseur à ce fils de serf devenu riche marchand qui voudrait transformer le domaine et qui finira brutalement par l’acheter.

Remarquée aussi, Suzanne Aubert (Iphigénie dans la version de Stéphane Braunschweig) en femme de chambre, ou encore Tom Adjibi (La Reprise-Histoire du théâtre de Milau Rau) qui incarne avec un humour décalé le comptable du domaine.

Adama Diop dans "La Cerisaie" (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Adama Diop dans "La Cerisaie" (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Les autres, un peu perdus dans une forme de chorégraphie que leur impose le metteur en scène et qui finit par paraître vaine, peinent encore à exister. En particulier, l’excellent Alex Descas dans le rôle du frère d’Isabelle Huppert, ici assez inexistant.

Isabelle Huppert et Marcel Bozonnet dans "La Cerisaie" (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Isabelle Huppert et Marcel Bozonnet dans "La Cerisaie" (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Et puis il y a le désarmant Marcel Bozonnet en Firs, le fidèle serviteur de la famille, à qui reviennent les derniers mots de cette pièce crépusculaires qui résonnent dans la nuit d’Avignon comme un regret : « La vie, elle a passé, on a comme pas vécu. »  
       

« La Cerisaie » d’Anton Tchekhov, mise en scène de Tiago Rodrigues
11 représentations dans la cour d’honneur du Palais des Papes
5, 6, 8, 9, 10 11, 12, 14, 15, 16, 17 juillet à 22h
Durée : 2h30
Festival d’Avignon


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