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Le cinéaste Jean-Luc Godard, monument de la Nouvelle Vague, est mort à l’âge de 91 ans

Jean-Luc Godard est mort. Le réalisateur, monument de la Nouvelle Vague, s’est éteint à l’âge de 91 ans, a appris France Inter mardi 13 septembre de l’entourage du cinéaste, confirmant une information de Libération. Son nom, immédiatement, évoque le cinéma : une histoire du cinéma, une manière de le faire. Et d’être le cinéma, complètement. « Godard, c’est un créateur, un vrai cinéaste », dit un jour Alain Delon qui avait accepté de tourner avec lui : « C’est quelqu’un qui a quelque chose à dire, qui a une écriture cinématographique particulière »

Jean-Luc Godard naît le 3 décembre 1930 à Paris dans une famille franco-suisse. Père médecin, mère issue d’une riche famille protestante, le jeune homme grandit entre les deux pays dans un milieu privilégié malgré la guerre, où il s’adonne autant au sport qu’à la peinture, véritable passion de jeunesse. A Paris, où il obtient une maîtrise en ethnologie à la Sorbonne, Godard passe surtout son temps entre les salles obscures et la Cinémathèque et écrit des textes pour la Gazette du cinéma ou Les Cahiers du cinéma à peine fondé. Il y côtoie des mordus comme lui, François Truffaut, Eric Rohmer ou Claude Chabrol. 

En 1954, il réalise son premier film, Opération béton, un court métrage documentaire sur la construction d’un barrage. Cinq ans plus tard, Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg sont les visages de son premier long, A bout de souffle. Immense succès public et critique, c’est le film fondateur, avec Le Beau Serge (1958) et Les quatre cent coups (1959) de Truffaut, de la Nouvelle Vague

Dans sa bande-annonce, Godard y cite de sa propre voix la « supervision » de Chabrol et le scénario de Truffaut, éternel ami-ennemi, confrère et rival du mouvement naissant. Tiré d’une histoire vraie, le film narre la traque d’un petit voyou et de sa rencontre avec une jeune Américaine. Récit éclaté, à la fois proche du documentaire et très poétique, sur une bande originale composée autant par le jazz de Martial Solal que par les bruits de la rue. 

Rythme inédit, syncopé, nouvelle manière de tutoyer la caméra dans des décors non reconstitués en studio, A bout de souffle bouscule par l’image. Mais Godard réinvente aussi la narration avec des dialogues nouveaux, coup de poing à l’écriture de l’époque.

Plusieurs films prennent le même chemin. Parmi eux Pierrot le Fou (1965), autre odyssée dans l’Hexagone, Belmondo toujours, mais cette fois avec Anna Karina ou Masculin-Féminin (1966) avec Jean-Pierre Léaud et Chantal Goya. Et surtout, quelques années auparavant (en 1963), Le Mépris d’après Moravia, chef d’œuvre réunissant Michel Piccoli et Brigitte Bardot à Cinecittà, à Rome, et à Capri, dans la villa Malaparte.

1967 : La Chinoise, avec Anne Wiazemsky (qui est sa femme cette année-là) et Jean-Pierre Léaud (devenu, comme Belmondo, l’un de ses acteurs fétiches) est le point d’orgue de la période la plus politique de Godard qui le fait plonger dans mai 68 et l’activisme artistique : pour lui c’est clair, son cinéma est un moyen de lutter contre le système.

D’ailleurs en 68 Godard est l’un des cinéastes les plus actifs dans l’initiative de suspendre le Festival de Cannes cette année-là. 

Les années 1970 seront en demi-teinte pour Godard, qui s’adonne plutôt à l’expérimentation vidéo. Et les années 1980 celles de son retour à un cinéma plus grand public, qui affiche des distributions importantes : Sauve qui peut la vie, grand tableau politique de 1980 qui dépeint les angoisses et les aspirations de l’homme face à une société qui le broie, réunit Jacques Dutronc, Isabelle Huppert et Nathalie Baye.

Cinq ans plus tard, Godard retrouve Nathalie Baye pour Détective, un autre film choral où se croisent une trame policière et différentes histoires de vie, avec cette fois Johnny Hallyday, Laurent Terzieff, Claude Brasseur et Jean-Pierre Léaud.

La décennie suivante, Godard réalise plusieurs films expérimentaux et en particulier Histoire(s) du cinéma, fresque philosophico-esthétique à la manière du Musée imaginaire de Malraux : Godard se sert du cinéma comme une manière de penser.

Au début du 21e siècle, il fait l’acteur jouant son propre rôle dans des films de Jacques Richard ou d’Alain Fleischer. Et présente comme réalisateur, à Cannes en 2010 dans la sélection Un Certain Regard, son film Socialisme. Retour sur la Croisette en 2014 avec Adieu au langage qui décroche le Prix du jury ex-aequo et en 2018 avec Le livre d’image, film expérimental sur le monde arabe qui remporte une Palme d’or Spéciale. Jean-Luc Godard n’aura jamais cessé de réaliser.

Godard aura été un cinéaste d’une extrême originalité, allergique aux conventions. Si déterminé dans ses convictions qu’en un demi-siècle, il est parvenu à écrire un chapitre clé de l’histoire du septième art. Adulé, détesté, jamais vraiment imité, parce qu’inimitable, tant il a poursuivi sa recherche personnelle d’un langage cinématographique sans cesse renouvelé. 


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