A la Une

Incendies : les pompiers tirent les leçons d’un été en enfer

Interminable été pour les pompiers. Après un mois de juillet cauchemardesque à lutter contre deux gigantesques incendies en Gironde – dont l’un est reparti en août – puis dans le reste du pays, jusqu’en Bretagne, voilà qu’un nouveau feu s’est déclenché le mardi 13 septembre à Saumos. Entre cette ville et la station balnéaire de Lacanau, plus de 3 000 hectares ont été détruits en moins de deux jours, et les habitants ont dû être évacués.

« On disait depuis longtemps qu’on allait se prendre cette gifle du réchauffement climatique, eh bien, on l’a prise cet été », souffle Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). En moyenne, 10 000 hectares brûlent chaque année en France, selon le système d’information européen des feux de forêt (Effis). En septembre 2022, 62 000 hectares sont déjà partis en fumée, dont 30 000 rien qu’en Gironde. Les incendies de Landiras, bien que fixés, ne sont toujours pas éteints, deux mois après leur déclenchement. « Le réchauffement climatique, sur notre territoire, c’est aujourd’hui, pas en 2050 ! »

Renforcer la prévention

Deux pompiers sont décédés en opération. Mais malgré la situation exceptionnelle, aucune victime civile n’est à déplorer. Et la surface brûlée reste inférieure aux années records de 1976 et de 2003, où la sécheresse était comparable. « Cela veut dire que notre stratégie d’attaquer massivement les feux naissants est fonctionnelle », salue Grégory Allione, soulignant que 95 % des feux font moins de 5 hectares.

À LIRE AUSSIFeux de forêt : pourquoi la Gironde flambe si vite

Et de donner l’exemple de la journée du 7 juillet dans les Bouches-du-Rhône et le Gard : plus de 70 départs de feu, « et pourtant, vous n’en avez pas entendu parler ». La prévention fonctionne, mais, prévient-il, il va falloir redéployer les moyens de surveillance et d’intervention, aujourd’hui concentrés dans les Landes de Gascogne au printemps puis sur l’arc méditerranéen en été. « Désormais, on est sollicités toute l’année, sur tout le territoire. » Prévention qui doit aussi passer par la société : formation aux gestes qui sauvent, aux bons réflexes, aménagement des villes, entretien des espaces naturels et des forêts…

Le représentant des pompiers constate que « notre système a résisté » cet été. Pour autant, les soldats du feu ont été soumis à des pressions de toutes parts. Ainsi, la situation catastrophique à l’hôpital a-t-elle tiré un peu plus sur la corde. « Pendant qu’on luttait contre les flammes, nos VSAV [véhicules de secours et d’assistance aux victimes, NDLR] faisaient des kilomètres pour trouver des urgences ouvertes… » Grégory Allione pointe également un maillage territorial « moins efficace » – 1 200 casernes ont disparu depuis la fin des années 1990 – et une diminution des forces humaines.

À LIRE AUSSICanicules, sécheresse, orages… L’été record de 2022, avant-goût du futur

Plus de moyens humains et matériels

Pour éviter de revivre un été en enfer, les pompiers demandent plus de moyens. Côté matériel, ils souhaiteraient doubler la flotte d’interventions aérienne et disposer de plus de camions. Des moyens dont la disposition opérationnelle est à redimensionner compte tenu de la situation nouvelle : les avions bombardiers d’eau pourraient, par exemple, être mieux répartis sur le territoire pendant l’été pour intervenir plus rapidement.

Côté humain, ils souhaiteraient plus de forces sur le terrain. Plus de pompiers professionnels – il y en a 40 000 aujourd’hui, et 10 000 militaires à Paris et Marseille – mais aussi plus de pompiers volontaires – 200 000 aujourd’hui. Une campagne de communication va bientôt être lancée, espérant susciter des vocations. Mais il faudra revoir les conditions, pour que les employeurs acceptent plus facilement de les libérer en cas de besoin. « Sur le terrain, on nous remonte de grosses difficultés. » Des employeurs, beaucoup de PME, qui rechignent par peur d’être désorganisées avec un salarié de moins et craignent un manque à gagner… Le soutien financier des entreprises qui joue le jeu, aujourd’hui insuffisant, selon la FNSPF, doit être revalorisé, comme la gratification des pompiers engagés.

Ces demandes, les soldats du feu les soumettront au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en clôture de leur congrès annuel à Nancy le 24 septembre prochain. Avec l’espoir que l’été catastrophique qu’ils ont vécu serve d’électrochoc. « On a une vraie crainte, reconnaît Grégory Allione, c’est que l’été passe et que tout soit oublié. » Au plus fort des incendies, le gouvernement communiquait largement sur la prise de conscience qui devait en découler. Reste à voir si le geste sera à la hauteur de la parole. « Ça coûte cher, mais l’argent mis sur le préventif, c’est gagné pour plus tard : c’est tout ce qu’on économise à ne pas avoir à reconstruire ou à soigner. »


Continuer à lire sur le site d’origine