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Foyers modestes, personnes âgées, ruraux… Qui sont les Français les plus touchés par l’inflation ?

Faites-vous davantage les frais de l’inflation que votre voisin ? Avec une hausse des prix de 5,9% sur un an en août, l’inflation continue de rogner le pouvoir d’achat des Français. Mais derrière ce chiffre global, les ménages ne sont pas tous égaux face au renchérissement de la vie. Pour certains foyers, l’inflation est limitée à 2,5%, pour d’autres, la hausse des prix atteint 8,4%, révélait en avril une note de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)

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« Les prix de l’ensemble des biens et des services n’évoluent pas de la même façon. De fait, chaque ménage a sa propre inflation, en fonction de sa structure de consommation », explique Mathieu Plane, économiste à l’OFCE et spécialiste des questions de pouvoir d’achat. Quels sont les foyers les plus pénalisés par l’alourdissement du ticket de caisse ou des factures d’énergie ? Franceinfo a fait les comptes.

Les plus modestes plus durement touchés

L’inflation actuelle est principalement portée par la flambée des prix de l’énergie et de l’alimentation. En un an, les tarifs de l’énergie et des carburants ont bondi de près de 30%, selon l’Insee. Les produits alimentaires sont eux près de 7% plus chers, sur la même période. Or, le poids de ces dépenses est plus important dans le budget des plus modestes. Avant la période d’inflation actuelle, les 10% des ménages les plus pauvres consacraient en moyenne 19% de leurs dépenses aux courses alimentaires, contre 15% pour les 10% de ménages les plus aisés, selon l’enquête sur le budget de famille de l’Insee daté de 2017. De même, les factures énergétiques représentaient 6% des dépenses des ménages les plus précaires, et le caburant 4%. A l’inverse, ces postes ne représentaient que 4 et 3% des dépenses des ménages les plus aisés. 

« Quand ces biens de première nécessité augmentent, les foyers les moins aisés le subissent donc de plein fouet, poursuit Mathieu Plane. C’est ce qui explique que leur inflation est supérieure à la moyenne. » En avril, l’inflation des 10% les plus modestes était ainsi de 0,4 point supérieure à la moyenne nationale, selon une étude de l’Insee publiée en juin. Les plus aisés enregistraient parallèlement un taux d’inflation inférieur à la moyenne (-0,1 point).

Des disparités existent également au sein même des ménages modestes. « Ce sont avant tout les foyers avec plusieurs enfants qui sont affectés par le poids des dépenses alimentaires », détaille l’économiste Pascale Hébel, membre du cabinet de conseil en marketing C-Ways et experte de la consommation des ménages. 

Une partie de l’inflation subie par ces ménages a toutefois était compensée par les aides gouvernementales mises en place depuis l’automne 2021 (chèque énergie, bouclier tarifaire, prime inflation…) ou par les revalorisations du smic et des minimas sociaux. « Même si les compensations pour les bas revenus n’ont pas été intégrales, elles ont quand même été un peu plus importantes que pour les autres catégories de revenus », observe Eric Heyer, économiste à l’OFCE. En revanche, les travailleurs dont le revenu est légèrement au-dessus du smic « n’ont aucune garantie de revalorisation de salaires », relève Mathieu Plane.

Les habitants des zones rurales plus exposés à la hausse des prix de l’énergie…

Le niveau de revenu n’est pas le seul critère discriminant face à l’inflation. Parmi les autres facteurs d’inégalités, le lieu de vie est déterminant. Les habitants des zones rurales dépensent plus que la moyenne pour le carburant et les factures d’énergie. Ils consacrent 12% de leurs dépenses à ces postes, contre 6% pour un ménage de l’agglomération parisienne, selon l’Insee.

« Les ménages ruraux ont en général une maison individuelle et une ou deux voitures », pointe Mathieu Plane. Au contraire, « si vous êtes un ménage urbain sans voiture à Paris, dans un petit logement bien isolé, vous n’allez pas trop sentir l’inflation ». Les ménages des zones rurales subissaient ainsi en avril une inflation moyenne de 5,9% sur un an. Soit près de deux points de plus que les habitants de l’agglomération parisienne (4%), selon l’Insee.

… Tout comme les personnes âgées

Les Français ne sont pas non plus touchés par l’inflation de la même manière en fonction de leur âge. En avril, l’inflation était en moyenne de 4% sur un an pour les moins de 30 ans, alors qu’elle atteignait 5,7% pour les plus de 75 ans, note l’Insee. « Plus on vieillit, et moins on dépense sur les postes sur lesquels il y a très peu d’inflation, comme les nouvelles technologies ou les voyages », remarque Pascale Hébel.

En revanche, les seniors sont parmi les plus dépensiers sur les postes à forte inflation, comme l’énergie ou l’alimentation. « Plus vous êtes âgé, plus vous avez un nombre de mètres carrés par habitant important, car vous avez souvent conservé le logement familial alors que les enfants sont partis », détaille Eric Heyer.

Ce logement « coûte donc plus cher à chauffer », surtout qu’il a « vieilli en même temps que vous, et peut donc être moins bien isolé qu’un logement récent », note l’économiste de l’OFCE. Sans compter que, « plus on vieillit, plus on est chez soi, et plus on se chauffe », souligne Pascale Hébel. Les plus de 75 ans consacraient ainsi avant la crise 8% de leurs dépenses aux factures énergétiques, contre 3 à 6% pour le reste de la population.

Ces critères qui font que certains Français sont plus exposés que d’autres à l’inflation peuvent aussi se cumuler. « Des personnes âgées vivant en zone rurale et avec une famille à charge ont un surcroît d’inflation d’au moins quatre points par rapport à la moyenne des Français », estime Pascale Hébel.


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