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Prix, empreinte carbone, disponibilité… Le chauffage au bois est-il la solution face à la crise énergétique ?

Dans le village de Milizac (Finistère), une vente de granulés de bois a failli tourner au pugilat à la fin du mois d’août dernier. « Les clients se sont rués sur le rayon dès l’ouverture, la queue était tellement longue qu’on ne pouvait même plus fermer les portes du magasin », se remémore la responsable. Résultat : le stock de bois disponible s’est écoulé en un temps record et certains acheteurs sont devenus « ingérables ». « Les gens s’asseyaient sur leurs sacs pour les réserver, des personnes se les arrachaient des mains, narre la vendeuse. On était à la limite de la bagarre. »

Comment expliquer cet assaut ? La crise de l’énergie, qui a notamment pour conséquence une hausse en flèche des prix du gaz et de l’électricité, a poussé de nombreux particuliers français à se tourner vers le bois, espérant ainsi faire des économies. Mais l’explosion de la demande a aussi fait monter les prix, en plus d’allonger passablement les délais de livraison. Alors, le bois est-il une bonne solution pour échapper à la crise de l’énergie ?Franceinfo fait le point.

Une facture habituellement légère… mais qui flambe cet hiver

Le bois est l’énergie la moins onéreuse pour se chauffer. C’est le constat dressé en 2016 par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Elle estimait ainsi que la facture des ménages se chauffant au bois s’élevait en moyenne à 811 euros annuels, contre respectivement 1 415 euros et 1 726 euros pour les factures de gaz ou d’électricité. « Historiquement, le chauffage au bois coûte moins cher que tous les autres systèmes parce que c’est une énergie abondante, locale, nécessitant donc moins de transports, et elle demande peu de main-d’œuvre pour la transformer », explique Marion Vitel, référente sur le sujet à l’Ademe. De quoi faire de plus en plus d’adeptes. L’Observatoire des énergies renouvelables fait état d’une hausse de 34,4% sur le marché des appareils domestiques de chauffage au bois en 2022 par rapport à 2021.

Cette bonne affaire pourrait cependant être de moins en moins intéressante. Contrairement aux tarifs du gaz et de l’électricité, les prix du bois, comme ceux d’autres énergies, ne sont pas réglementés par l’État. Selon les fournisseurs, la facture peut donc être plus ou moins salée. Et cet hiver, les prix flambent. « Au niveau national, la tonne de granulés a passé la barre des 700 euros, contre environ 320 euros en 2021 », note Frédéric Plan, délégué général de la Fédération Française des Combustibles, Carburants et Chauffage.

« Les choses bougent beaucoup ces dernières semaines, le granulé est moins compétitif par rapport au gaz que ce qu’on a pu observer historiquement, mais il reste intéressant par rapport à l’électricité. Le bois bûche demeure, lui, compétitif par rapport à toutes les autres énergies », nuance Marion Vitel à l’ADEME. Mi-septembre, l’association Famille rurale a demandé au gouvernement un élargissement du bouclier tarifaire aux ménages qui se chauffent au fioul ou au bois, appelant à ne pas oublier « tous les gens qui ont essayé de se faire livrer du bois et qui n’ont pas pu le faire ».

Des tensions sur l’approvisionnement

L’augmentation des prix n’est pas le seul souci rencontré par les particuliers qui se chauffent au bois. L’approvisionnement en granulés de bois est, cette année, particulièrement difficile. Il faut actuellement compter, en moyenne, « un à deux mois » pour une livraison de granulés, explique à franceinfo Frédéric Plan, délégué général de la Fédération Française des Combustibles, Carburants et Chauffage (FF3C).

Dans le Finistère, la responsable du magasin pris d’assaut à la fin du mois d’août s’agace : « C’est le même mécanisme qu’avec le papier toilette pendant le confinement, des clients ont acheté deux fois plus de bois que l’an passé, par crainte d’une pénurie, et c’est justement ce qui entraîne la tension logistique. Si tout le monde consommait raisonnablement, il n’y aurait pas de problème de quantité ». La FF3C table tout de même sur « un déficit plausible d’offre de granulés de bois qui pourraient aller de 5 à 15% selon la rigueur de l’hiver ».

« Si vous avez des projets d’installation de chauffage principal au bois, ne vous lancez pas sans avoir une garantie d’approvisionnement en amont. »

Frédéric Plan, délégué général de la FF3C

à franceinfo

La situation est plus favorable pour les bûches de bois, qui représentent « 85% de l’usage du bois énergie », rappelle Frédéric Plan. « Plus des trois-quart de ce bois bûche n’est pas fourni par les réseaux commerciaux, l’approvisionnement se fait localement, par les propres moyens du particulier, qui va couper lui-même son bois par exemple. Une tension sur l’approvisionnement commercial commence à se faire sentir, mais moins que sur celui du granulé », poursuit-il. Dans tous les cas, compte tenu d’un contexte « vraisemblablement amené à durer », il appelle les consommateurs à la prudence avant de s’aventurer dans l’installation d’une nouvelle chaudière ou d’un poêle.

Un empreinte carbone limitée (dans certaines conditions)

Le bois de chauffage présente également un autre avantage : sa faible empreinte carbone. « Il ne se transporte pas bien sur de longues distances, donc même dans le cas où du bois est vendu à des grossistes, le rayon d’approvisionnement va rarement au-delà de 50 ou 100 kilomètres. C’est un circuit très local », indique Eric Albert, chef du département commercial du bois à l’Office national des forêts. Contrairement au gaz, cette énergie renouvelable ne nécessite que très peu d’être importée depuis l’étranger, pesant ainsi moins lourd dans les émissions de dioxyde de carbone (CO2).

Son impact sur l’environnement n’est pas neutre pour autant. De mauvaises conditions de combustion, avec du bois trop humide ou dans des appareils trop anciens, sont des sources d’émissions massives de particules fines dans l’atmosphère. Or, ces microparticules sont très nocives pour l’être humain. En France, selon le ministère de la Transition écologique, le mauvais chauffage au bois est « le premier contributeur à cette pollution », émettant à lui tout seul 43% des émissions de microparticules PM 2.5 et 55% de PM 1.0.

Comment remédier à cela ? « Il faut bien choisir ses essences de bois, certaines sont plus favorables que d’autres à la combustion, comme le chêne, le hêtre, le charme ou le fresne », explique Eric Albert. « Surtout, il faut que le bois soit très sec, avec un taux de moins de 20% d’humidité, séché pendant au moins un à deux ans par exemple dans un hangar », insiste-t-il. En juillet 2021, le gouvernement a également lancé un « plan bois » pour aider au remplacement des appareils trop anciens et réduire ainsi les émissions de particules fines de 50% d’ici 2030.


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