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« On va enfin nous croire ! » : les victimes du Levothyrox saluent la mise en examen de Merck pour « tromperie aggravée »

Un nouvel épisode dans la sage pharmaco-judiciaire du Levothyrox : la filiale française du laboratoire pharmaceutique allemand Merck a annoncé mercredi 19 octobre dans un communiqué sa mise en examen pour « tromperie aggravée » dans le dossier du changement de formule du Levothyrox, ce médicament conçu contre les problèmes de thyroïde. Cette décision est liée aux « modalités d’information mises en place au moment de la transition de l’ancienne à la nouvelle formule en 2017 », précise l’entreprise dans un communiqué. 

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Le laboratoire Merck est mis en examen pour « tromperie aggravée » : une tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l’homme ou de l’animal. La juge d’instruction du pôle santé du tribunal judiciaire de Marseille a décidé de cette mise en examen après l’audition mardi du patron de Merck France. Il est reproché à la filiale française du laboratoire allemand de ne pas avoir informé les patients – et pas suffisamment les médecins – que le changement de formule du Levothyrox allait occasionner des troubles chez certains malades, obligés quotidiennement de prendre ce traitement vital et non substituable. En 2017, Merck avait le monopole en France sur cette molécule.

A ce stade, il n’y a pas de mise en examen pour « homicide » ni pour « blessures involontaires » pour Merck, alors que l’enquête ouverte depuis 2018 au pôle santé du tribunal judiciaire de Marseille l’est bien pour ces motifs.

Cette mise en examen de Merck est une satisfaction pour les milliers de victimes du Levothyrox. La justice travaille depuis des années dans l’ombre et c’est le signe pour les victimes que les choses avancent : c’est l’espoir d’un possible procès un jour. Quelque 31 000 personnes ont déclaré souffrir d’effets secondaires à cause de la nouvelle formule du Levothyrox, en particulier des femmes de plus de 50 ans : fatigue extrême, douleurs dans les membres, maux de tête, vertiges, pertes de cheveux, dépressions lourdes parfois jusqu’au suicide.

Sylvie Chéreau avait fondé le tout premier collectif de victimes du Levothyrox, à une époque où on répondait aux malades que ce qui était en train de se produire était seulement un « emballement psychologique », une hystérie infondée émanant des réseaux sociaux. En apprenant la nouvelle de cette mise en examen, elle confie à franceinfo avoir « exulté de joie ». « En arriver à une mise en examen, ça veut dire que le dossier est fondé. C’est une grande porte qui s’ouvre. Ouf ! On va enfin nous croire ! Ce sont des victimes qui se disent : cinq ans ont passé, et enfin aujourd’hui peut-être qu’il y a une lueur d’espoir sur la vérité. J’irai jusqu’au bout, je ne lâcherai pas, parce que moi, j’ai cru mourir avec ce médicament. »

Même satisfaction pour Marie-Odile Bertella-Geffroy, avocate au barreau des Hauts-de-Seine en charge de plus de 3 000 patients dans cette affaire du Levothyrox et ancienne juge d’instruction au pôle de santé publique du tribunal de grande instance de Paris. « Les victimes n’espéraient plus après cinq ans. C’était vraiment long. Ce qui va venir ensuite – j’espère – ce sont des mises en examen pour ‘blessures involontaires et homicides involontaires’. » 

Au titre du contrôle judiciaire, la juge a obligé mardi Merck à provisionner 11,3 millions d’euros en perspective d’un éventuel jugement, si le laboratoire devait payer une amende et des dommages et intérêts. Cette provision est de 4,3 millions d’euros pour une caution et 7 millions d’euros pour une garantie bancaire.

Cette mise en examen intervient dans le volet pénal de cette affaire Levothyrox. Au civil, la justice a déjà tranché en faveur des malades. Indépendamment de cette procédure pénale, Merck doit déjà indemniser 3 300 patients dont le préjudice moral a été reconnu en 2020 devant la justice civile. Le groupe a tenté tous les recours jusque devant la Cour de cassation mais son pourvoi a été rejeté en mars dernier. La condamnation est donc définitive et on sait que d’autres patients intentent les mêmes poursuites au civil dans de nombreuses régions de France.

De son côté, Merck souligne dans son communiqué que « cette mise en examen ne concerne en aucun cas la qualité de la nouvelle formule du Levothyrox« . Selon l’avocat de Merck au pénal, maître Mario Stasi, « la juge a écarté les infractions les plus graves – blessures et homicides involontaires et mise en danger de la vie d’autrui – pour ne retenir que des manquements dans le plan de communication. »


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