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Soupe sur des tableaux, vitrines barbouillées… Pourquoi les actions coup de poing du groupe écologiste Just Stop Oil font débat

Un jeune homme colle sa tête sur la vitre protégeant La Jeune Fille à la perle, célèbre tableau de Vermeer, pendant qu’un autre lui renverse dans le col de chemise ce qui semble être de la sauce tomate. La scène, filmée jeudi 27 octobre au musée Mauritshuis de La Haye, aux Pays-Bas, est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux avant d’être reprise par tous les médias. C’est exactement ce que recherchaient ces deux protagonistes, vêtus d’un t-shirt portant le message « Just Stop Oil », du nom d’un collectif britannique d’activistes écologistes dont les méthodes font polémique ces dernières semaines.

Sur son site internet, Just Stop Oil se présente comme « une coalition de groupes » formant un « mouvement de résistance non-violent » et de désobéissance civile. Au Royaume-Uni, ses militants, majoritairement de jeunes adultes, demandent au gouvernement de « mettre fin à toutes les nouvelles licences et autorisations pour l’exploration, le développement et la production de combustibles fossiles ». Ils soulignent l’important impact des projets pétroliers et gaziers sur l’environnement et insistent sur la nécessité d’opérer de rapides changements pour lutter contre le réchauffement climatique.

Pour médiatiser leurs revendications, les membres de Just Stop Oil réalisent ces dernières semaines, à visage découvert, des actions symboliques, pacifistes et très visuelles. Depuis le 1er octobre au Royaume-Uni, ces activistes bloquent régulièrement des axes routiers. Ils peinturlurent également des vitrines de grandes enseignes, comme celle d’une concession automobile Aston Martin dans le centre de Londres, ou celle de l’horloger Rolex, barbouillée vendredi 28 octobre. 

Mais les actions qui font le plus parler sont celles qui visent les œuvres d’art. Celle menée sur La Jeune Fille à la perle de Vermeer n’est pas un coup d’essai. Le 14 octobre, deux militantes avaient déjà jeté de la soupe sur Les Tournesols, un chef-d’œuvre de Van Gogh peint en 1888 et exposé à la National Gallery de Londres. En Allemagne, le 23 octobre, deux autres militants ont lancé de la purée sur Les Meules, chef-d’œuvre de l’impressionniste français Claude Monet. « Nous vivons une catastrophe climatique, et vous vous effrayez pour de la purée sur une peinture », dénonçait alors l’une des protagonistes.

Protégées par une vitre, toutes les œuvres visées sont intactes. Le collectif ne manque pas de le souligner sur son site. Ce n’était en revanche pas le cas de la statue de cire du roi Charles III, entartée le 24 octobre au musée Madame Tussauds de Londres. 

Le jet de soupe sur Les Tournesols de Van Gogh a marqué le début de la polémique. De nombreuses détracteurs, militants écologistes compris, ne comprennent pas le sens de l’action des membres de Just Stop Oil, pointant notamment le manque de lisibilité du geste et regrettant de voir des œuvres d’art ainsi ciblées. 

Jeudi, l’action des deux militants devant La Jeune Fille à la perle de Vermeer a encore une fois créé le débat. Sur Twitter, sous des posts relayant les images, la majorité des commentaires s’insurgeait sur la méthode employée, la qualifiant souvent d’« inutile », voire de « débile ». Certains font cependant remarquer qu’ils partagent les inquiétudes environnementales des militants. « Moi aussi, je me préoccupe du climat, mais ce n’est pas une bonne façon de protester », déplore par exemple un internaute. 

Les défenseurs de ces actes militants insistent pour leur part sur la présence de vitres protectrices et appellent à relativiser la gravité du geste, au regard de la cause portée. « La notoriété mondiale de l’œuvre assure à l’action un rayonnement mondial. (…) Nous sommes dans une société où les actions pacifistes qui n’embêtent personne ne font plus réagir », tente d’expliquer une internaute.

Si aucune étude ou sondage n’a pour le moment mesuré la perception de ces gestes militants dans l’opinion, il peut y avoir « clairement (…), y compris dans le milieu écologiste, un grand questionnement sur l’effet contre-productif de ces actions qui renvoient à la radicalité, au non-dialogue », estime sur franceinfo la sociologue Sylvie Ollitrault, spécialiste du militantisme

Au Royaume-Uni, la polémique a enflé jusqu’à faire réagir le gouvernement. L’ex-ministre de l’Intérieur Suella Braverman a publié le 15 octobre dans le Mail on Sunday (en anglais) une tribune où elle dénonce les actions « de guérilla » des militants écologistes. « Se mettre sur le chemin des ambulances, des camions de pompiers et des voitures transportant des bébés à l’hôpital n’est pas seulement illégal, c’est aussi monstrueusement égoïste », écrit-elle notamment, évoquant surtout les actions de blocages du collectif et promettant une plus grande sévérité des autorités.

Une autre raison a également pu entretenir ou faire gonfler la défiance envers Just Stop Oil : après l’émotion suscitée par l’action sur Les Tournesols ele 14 octobre, une rumeur de coup monté de l’industrie pétrolière a commencé à circuler sur la toile, comme l’a relevé la chaîne Arte. Une fausse information visait à faire croire que le collectif écologiste serait financé par l’héritière de l’entreprise pétrolière Getty Oil, dans le but de décrédibiliser les militants et leurs actions.

Arte précise que si le collectif reçoit bien de l’argent d’un fonds pour le climat créé par la petite-fille du fondateur de Getty Oil (Climate Emergency Fund), aucune manipulation ne peut être démontrée, ce fonds finançant nombre d’autres organismes agissant pour le climat. 


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