A la Une

Lycée : trois questions sur le retour des mathématiques dans le tronc commun en première

Le ministère de l’Éducation nationale a annoncé, dimanche 13 novembre, le retour des mathématiques obligatoires au lycée. Les élèves de première de la filière générale devront suivre un enseignement obligatoire de 1h30 par semaine dès la prochaine rentrée scolaire en septembre 2023.

1Comment cela va se traduire pour les lycéens ?

Pour beaucoup, cela va sans doute commencer par une bonne dose de soupe à la grimace parce que ces cours obligatoires de mathématiques vont s’intégrer dans le tronc commun de la classe de première à la rentrée 2023. Pour ceux qui ne choisiront pas la spécialité mathématiques, cela voudra dire une heure-et-demi de cours en plus dans des semaines déjà très chargées. Sans doute aussi un casse-tête pour les établissements qui vont devoir intégrer ce paramètre dans les emplois du temps particulièrement baroques et fatigants pour les élèves depuis la mise en place de la réforme du lycée. « Il est important de développer la culture scientifique dans ce pays », s’est réjoui dimanche sur franceinfo Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU mais regrette par ailleurs l’impression d’un « bricolage perpétuel ».

« Les programmes ne cessent de changer… Comme si chaque ministre voulait laisser sa trace dans l’histoire de l’éducation nationale. Cela rend l’apprentissage extrêmement difficile. »

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU

sur franceinfo

Les associations de parents d’élève regrettent, une fois de plus, le manque de concertation. « Les élèves au niveau du conseil national de la vie lycéenne avaient plutôt préconisé de garder le côté optionnel, indique Laurent Zameczkowsky, porte-parole de la fédération de parents d’élèves PEEP. Aujourd’hui la véritable question qu’ils se posent c’est sur les attendus du supérieur, et l’adéquation qu’il y a entre ce que vont faire les élèves au lycée et les formations qu’ils pourront obtenir par la suite. » Le caractère obligatoire de cet enseignement des maths ne concerne pas la terminale

2Pourquoi le ministère a-t-il changé d’avis ?

Le rétropédalage sur les mathématiques a commencé avant même le départ de Jean-Michel Blanquer du ministère de l’Education nationale. Le retour des mathématiques obligatoires était même une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. En juin 2022, à la fin de l’année scolaire, il avait annoncé qu’ils seraient disponibles en option dès cette rentrée. Mais seuls 10% des élèves éligibles les ont choisies.

La communauté éducative, l’enseignement supérieur, la recherche mais aussi les entreprises s’inquiétent de voir se réduire le vivier des futurs scientifiques et techniciens. « On entend beaucoup parlé du rayonnement des mathématiques françaises avec les médailles Fields mais il faut aussi prendre conscience derrière cette excellence il y a une fragilité qui pourrait naître », explique Christophe Besse, directeur de l’institut des sciences mathématiques et de leurs interactions. De 200 000 élèves de première S avant la réforme, on est passé à 130 000 qui cumulent trois spécialités scientifiques selon l’association professionnelle des professeurs de mathématiques.

Par ailleurs, la disparition des mathématiques obligatoires en première nuisait à la parité filles-garçons et à la mixité sociale. Une étude publiée début octobre pointe une baisse de 28% des effectifs de filles dans les enseignements scientifiques depuis 2019. Les choix d’options à faire dès le mois de janvier en seconde sont trop précoces. Ils s’appuient trop souvent sur des décisions basées sur des préjugés et des stéréotypes.

Effectifs des élèves scientifiques en terminale. (FRANCEINFO / FRANCE TELEVISION)

Effectifs des élèves scientifiques en terminale. (FRANCEINFO / FRANCE TELEVISION)

Cédric Villani, mathématicien, médaillé Fields 2010, a déploré sur franceinfo lundi 14 novembre cette désaffection : « Il y a l’auto-censure de beaucoup de jeunes femmes dans un contexte où les canons de la société, les préjugés ont la vie dure. Ils se renforcent dans les temps qui viennent. Nous avons besoin de jeunes femmes en sciences. »

3Ce retour des mathématiques en première sera-t-il suffisant ?

C’est très discuté par les acteurs de l’éducation et une première question surgit sur les effectifs de l’Education nationale. « Aura-t-on assez de professeurs de mathématiques ? », se demande sur franceinfo la syndicaliste Sophie Vénétitay. Le ministre Pap Ndiaye estime qu’il en faudra environ 400 de plus alors que l’éducation manque encore de professeurs.

Autre interrogation, les enseignants craignent que cette réintroduction fasse trop pour des élèves qui voient leur avenir sans mathématiques. A contrario, ce retour sera-t-il suffisant pour ceux qui espèrent que ce cours obligatoire leur suffira pour enchaîner sur un enseignement plus musclé en terminale ? Les mathématiques sont très présentes dans de nombreuses filières post-baccalauréat notamment en sciences et techniques mais aussi en gestion, économie et certains domaines des sciences humaines. Il y a une « difficulté à gérer l’hétérogénéité des élèves en mathématiques », souligne sur franceinfo Martin Andler, professeur à l’université et fondateur de l’association Animath.

« J’aurais préféré un système dans lequel on aurait distingué deux façons de faire des mathématiques en première plus ou moins approfondies et avec des objectifs différents. »

Martin Andler, professeur à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

sur franceinfo

Pourtant, les mathématiques sont vitales pour l’économie, près du quart du PIB français en dépend selon une récente étude du CNRS. « Toutes les communications sont rendus possible par des algorithmes mathématiques, explique le chercheur Christophe Besse. C’est aussi une école de pensée qui permet à n’importe quel citoyen d’avoir sa propre réflexion. » Et alors que les Assises des Mathématiques se tiennent pour la première fois à partir de lundi et jusqu’à mercredi, à la Maison de l’Unesco à Paris, les chercheurs appellent le gouvernement à mettre un place une stratégie nationale pour réhabiliter les mathématiques dans la société.


Continuer à lire sur le site France Info