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Kurdes tués à Paris : après l’attaque d’un campement de migrants en 2021, « on se dit que ça aurait pu être évité »

Le principal suspect dans la mort de trois Kurdes, rue d’Enghien à Paris, avait aussi attaqué un camp de migrants en décembre 2021. Des membres d’associations présentes ce jour-là racontent.

« J’étais très en colère et je le suis toujours », explique mardi 27 décembre à franceinfo Cloé Chastel, cheffe de service de l’accueil de jour demandeurs d’asile et réfugiés pour l’association Aurore en 2021. Elle revient sur l’attaque de vendredi 23 décembre à Paris qui a fait trois morts parmi la communauté kurde.

Selon elle, l’agresseur « avait une idéologie raciste » avant cette attaque, puisqu’il s’en était pris à des migrants en décembre 2021.

« Il avait menacé de tuer des migrants et il l’avait exprimé clairement puisqu’en arrivant sur le camp, il avait crié ‘mort aux migrants’, d’après les témoins. »

Cloé Chastel, ancienne cheffe de service de l’accueil de jour demandeurs d’asile et réfugiés pour l’association Aurore

à franceinfo

Cloé Chastel se questionne sur la libération de cet homme le 12 décembre dernier après un an de détention : « Cela interroge, on se dit que ça aurait pu être évité si l’affaire avait été traitée différemment. »

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Le 8 décembre 2021, le principal suspect dans la mort de trois Kurdes ce vendredi à Paris, s’était rendu dans un campement de migrants situé parc de Bercy, dans le 12ème arrondissement de la capitale. Il était armé d’un sabre et s’en était pris aux tentes dans lesquelles dormaient les migrants. Il avait également blessé deux personnes avant d’être interpellé par la police ainsi que cinq migrants agressés par l’individu. Aujourd’hui, Cloé Chastel se questionne : « Je ne sais pas si ça aurait été la même chose si les victimes avaient été blanches et non pas étrangères ? »

Le centre pour lequel Cloé Chastel travaillait se situe en face de ce campement. A l’époque, la cheffe de service est mise au courant de l’attaque en arrivant sur place via les témoignages des migrants présents et qui ont assisté à la scène. Beaucoup sont choqués, dit-elle. « On était avec nos équipes sur le camp pour les soutenir. On les a raccompagnés sur le camp qui était vraiment en face de l’accueil de jour du centre. » Elle explique avoir voulu être solidaire des migrants restés sur place. Elle raconte donc avoir été surprise en voyant arriver les forces de l’ordre au lendemain de l’attaque du camp : « Quand des policiers sont arrivés, on s’est rendus compte que c’était la BRAV [la brigade de répression de l’action violente motorisée], qu’ils venaient nous verbaliser pour rassemblement non déclaré. On a reçu 19 amendes, dont neuf dressées à des membres d’Aurore. »

Paul Alauzy, chargé de projet à Médecins du monde Paris, s’est également rendu sur le campement de migrants après l’attaque au sabre de décembre 2021, pour aider et soutenir les migrants. Lui aussi a été interpellé par la police. Il a alors pensé à « une blague », explique-t-il.

« Il venait d’y avoir une attaque au sabre, une tentative de meurtre sur le campement, je ne pouvais pas imaginer qu’on nous envoie les forces de l’ordre pour nous verbaliser et nous arrêter. La situation était ubuesque. »

Paul Alauzy, chargé de projet pour Médecins du monde France

à franceinfo

Selon lui, « ça illustre bien à quel point la première réponse des forces de l’ordre elle est dans le soupçon, dans la criminalisation des exilés et des personnes qui leur sont solidaires » et « c’est hyper inquiétant en termes de réponse de la police et de la justice ».

« Il y a un an », en décembre 2021, « on pensait déjà avoir atteint un stade de l’horreur qui était très élevé », estime Paul Alauzy, mais « on voit que la personne responsable de tout ça est passée au niveau supérieur ». Concernant la mort de trois Kurdes à Paris la semaine dernière, Paul Alauzy estime qu’il s’agit d’un « attentat raciste ». « On n’a pas les mots dans les moments comme ça », confie-t-il.

Le principal suspect dans la mort de trois Kurdes à Paris vendredi dernier avait été mis en examen en 2021 pour « violences volontaires » à caractère raciste après avoir attaqué le campement de migrants, mais pas pour « homicide volontaire », ce qui a permis sa libération le 12 décembre 2022, a appris franceinfo mardi 27 décembre de source judiciaire, confirmant des informations du journal Le Monde. Il était en effet arrivé au terme du délai maximal de détention provisoire prévu par la loi, d’une durée d’un an pour les faits qui lui sont reprochés.

Ce jour-là, le 8 décembre 2021, six personnes ont été interpellées ainsi qu’un migrant mineur, finalement relâché. Parmi ces six interpellations, cinq personnes ont été placées en garde à vue : quatre migrants majeurs pour « violences volontaires » et le principal suspect dans la fusillade qui a fait trois morts la semaine dernière à Paris. Ce dernier a été placé en garde à vue à l’époque pour « tentative d’homicide volontaire ». Mais lors de sa mise en examen, le juge d’instruction a finalement retenu les « violences volontaires », une qualification moins grave.

A la fin de la garde à vue, les cinq personnes ont été déférées. Une information judiciaire a donc été ouverte pour « violences volontaires » avec deux circonstances aggravantes pour les trois migrants : « arme » et « réunion » et trois circonstances aggravantes pour le conducteur de train à la retraite : « préméditation », « arme » et « caractère raciste ». Ce dernier a été mis en examen pour ces motifs et placé en détention provisoire pour ces faits-là, avant de sortir de prison le 12 décembre 2022. Les quatre migrants, eux, ont été placés sous le statut de témoins assistés. Un des migrants agressé a également fait l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) à la suite de cette affaire.


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