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Réforme des retraites : de l’âge de départ aux mesures en faveur de la pénibilité, quelles sont les pistes du gouvernement ?

La Première ministre, Elisabeth Borne, doit dévoiler le projet de l’exécutif le 10 janvier. Les derniers arbitrages seront rendus ces prochains jours, mais les grands axes de la réforme sont déjà connus.

Le suspense prendra bientôt fin. La Première ministre, Elisabeth Borne, doit dévoiler le projet du gouvernement sur la réforme des retraites mardi 10 janvier, lors d’une conférence de presse prévue à 17 heures. Le texte, qui prendra selon toute probabilité la forme d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, sera ensuite examiné au Parlement à partir de février, pour une entrée en vigueur prévue avant la fin de l’été.

Après avoir rencontré une ultime fois les responsables syndicaux et politiques, les derniers arbitrages seront rendus dans les jours précédant l’officialisation du texte. Voici les principaux éléments que devrait contenir la réforme.

L’âge légal de départ progressivement repoussé à 64 ans (ou 65 ans)

C’est la mesure emblématique du projet gouvernemental, censée endiguer les déséquilibres à venir du système de retraites : le relèvement progressif de l’âge légal de départ de deux ou trois ans d’ici à 2031, soit jusqu’à 64 ou 65 ans. Emmanuel Macron a souhaité durant la campagne présidentielle que l’âge légal de départ soit repoussé de quatre mois par an, jusqu’à atteindre 65 ans, à compter de l’été 2023. Depuis, il s’est dit « ouvert » à une formule mixte qui combinerait un départ légal à 64 ans, comme le veut le Sénat, couplé à une accélération de l’allongement de la durée de cotisation. Celle-ci passerait alors à 43 ans avant l’horizon 2035 prévu par la réforme Touraine de 2014.

Ces derniers jours, le gouvernement a semblé de plus en plus favorable à cette hypothèse, Elisabeth Borne a assuré que les 65 ans n’étaient pas « un totem », tandis que le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a confirmé que préférer 64 ans à 65 ne constituait pas « un tabou ». « Nous trancherons le 10 janvier » en regardant « ce qui est le plus juste », a-t-il prévenu mercredi, dans une interview au Parisien (article réservé aux abonnés). En revanche, l’augmentation des cotisations comme alternative au recul de cet âge légal a été balayée par le gouvernement, qui ne souhaite pas « augmenter le coût du travail », a redit Elisabeth Borne, mardi, sur franceinfo.

L’exécutif s’est par ailleurs engagé à ne pas aller au-delà des 43 annuités requises pour obtenir le taux plein. En outre, le recul de l’âge légal sera sans effet sur l’âge d’annulation de la décote, qui restera fixé à 67 ans. Ainsi, les femmes, dont les carrières sont plus souvent hachées, auront une retraite à taux plein au même âge qu’aujourd’hui, fait valoir le gouvernement.

L’élargissement du dispositif des carrières longues

L’exécutif prévoit de continuer de permettre à ceux qui ont commencé à travailler jeunes de partir plus tôt. Le départ sera toujours anticipé de deux ans pour ceux qui ont validé cinq trimestres avant l’âge de 20 ans, et pourrait l’être de quatre ans pour ceux qui en ont accumulé dix.

« On souhaite également, dans ce cadre, prendre en compte les périodes de congé parental dans le calcul de la durée de cotisation », a assuré, début décembre, la Première ministre au Parisien

Une meilleure prise en compte de la pénibilité

Au chapitre pénibilité, la réforme pourrait reprendre certains critères abandonnés par Emmanuel Macron en 2017 mais chers aux syndicats : port de charges lourdes, postures pénibles et vibrations mécaniques. La prise en compte de ces « risques ergonomiques » passera par « un suivi médical renforcé », a assuré au Parisien Olivier Dussopt. Il reconnaît toutefois « un point d’achoppement » avec les syndicats, qui souhaitent « l’automaticité d’un départ anticipé à la retraite sans passer par un avis médical ».

La création d’un « congé de reconversion » pour les bénéficiaires d’un compte professionnel de prévention (C2P) est aussi à l’étude, de même que la mise sur pied d’un « fonds de prévention de l’usure professionnelle » pour les métiers identifiés comme difficiles.

Le niveau minimum des pensions revalorisé

Aujourd’hui, la pension minimum pour un assuré du privé s’élève à 75% du smic net, soit environ 1 015 euros par mois. Le gouvernement veut porter ce montant à 85%, soit près de 1 200 euros par mois (en incluant la retraite complémentaire), pour une carrière complète. Les salariés aux carrières hachées, eux, ne seront donc pas concernés par ce plancher. Par ailleurs, cette revalorisation ne devrait concerner que les futurs retraités, contrairement à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron, qui avait promis d’inclure l’ensemble des retraités, passés et futurs.

Un effort sur le maintien en emploi des seniors

Seul un tiers des 60-64 ans étaient en emploi en France en 2021, selon les données d’Eurostat, le reste étant déjà à la retraite, au chômage (qu’ils soient inscrits ou non à Pôle emploi), en invalidité ou en arrêt maladie. Le gouvernement reconnaît donc que la réussite de sa réforme passe par le maintien dans l’emploi en fin de carrière.

Pour cela, il prévoit notamment de rendre plus attractif le cumul emploi-retraite. Le dispositif permettrait toujours de poursuivre une activité professionnelle et de cumuler les revenus de cette activité avec la pension de retraite, mais en renchérissant en plus le montant de la pension. L’exécutif veut aussi que l’accès à la retraite progressive soit facilité et ouvert aux fonctionnaires. Pour l’instant réservée aux salariés du privé, elle permet de réduire progressivement son activité professionnelle et de toucher une partie de sa retraite en plus de son salaire à temps partiel.

Enfin, le gouvernement compte créer un « index seniors » négocié dans chaque branche et publié par les entreprises de plus de 50 salariés, qui sera assorti de « sanctions » pour celles qui ne rempliraient pas cette obligation de publicité, a confirmé Olivier Dussopt au Parisien. Objectif : jouer « la transparence sur la place des seniors dans leurs effectifs » et inciter au changement des mentalités.

Les régimes spéciaux concernés

A la RATP comme chez les électriciens et gaziers, les régimes spéciaux seront fermés pour les nouveaux entrants, comme c’est déjà le cas à la SNCF, a promis le gouvernement. Et ces professions, de même que les cheminots et les fonctionnaires (y compris ceux de la « catégorie active », c’est-à-dire présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles), devront elles aussi partir deux ou trois ans plus tard qu’aujourd’hui. « Il y a un souhait de justice fortement posé par les Français. Et si on doit travailler un an, deux ans ou trois ans de plus, ça concernera toutes les catégories professionnelles », a justifié Elisabeth Borne dans Le Parisien.

La hausse de l’âge de départ pourrait cependant démarrer un peu plus tard dans ces régimes spéciaux, car la réforme Woerth de 2010 – qui l’a déjà relevé de deux ans – n’y sera pleinement effective qu’en 2024.


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