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Neuf livres pour découvrir l’œuvre de l’immense écrivain américain Russell Banks

L’écrivain américain est l’une des plumes majeures de la littérature contemporaine.

L’écrivain américain Russell Banks est mort le 7 janvier à l’âge de 82 ans. Il laisse une œuvre majeure dans laquelle il n’a cessé de dépeindre l’Amérique des marges. Lui-même issu d’un milieu modeste, marqué par la violence de son enfance et la figure absente du père, l’écrivain, s’inscrit dans le sillage des Steinbeck, Hemingway, Faulkner, ou Kerouac. « Très sensible au langage parlé par les marginaux » et « beaucoup plus sensible à l’anglais parlé qu’à l’anglais écrit », Russell Banks a su, d’une écriture immersive, peindre des tranches de vies cabossées, et les dysfonctionnements d’une société américaine à deux vitesses.

« Si je n’étais pas devenu écrivain, j’aurais certainement péri jeune d’une mort violente », déclarait Russell Banks. En une vingtaine de livres, écrits sur une période de près de cinquante ans, cet auteur a produit une œuvre engagée, abordant la face sombre de l’histoire de son pays. Voici neuf livres, romans et recueils de nouvelles, pour entrer dans « une œuvre exceptionnelle », comme l’a qualifiée sur Twitter Joyce Carol Oates dans son hommage à l’écrivain.

« Continents à la dérive » (1985)

Si ses premiers écrits paraissent au milieu des années 1970, c’est avec Continents à la dérive, publié en 1985 (d’abord traduit par Terminus Floride), qu’arrive la notoriété internationale pour Russell Banks. Dans ce roman, l’écrivain trace deux destins éloignés de plusieurs milliers de kilomètres, que les hasards vont faire se percuter. D’un côté un réparateur de chaudière dans une petite ville du New Hampshire, qui s’exile en Floride avec sa famille pour fuir son quotidien de misère. De l’autre, une jeune Haïtienne échouée au même endroit pour fuir la violence et la pauvreté de son pays natal. Une interprétation « banksienne » du « rêve américain ». (Actes Sud, coll. Babel, 544 p.)

« Affliction » (1989)

Sans doute son roman le plus autobiographique, Affliction (1989), raconte le destin de Wad Whitehouse, un homme brisé par la violence paternelle. L’histoire est racontée par son frère, écrivain, qui tente de comprendre pourquoi ce frère n’a pas échappé à la fatalité familiale. « Écrire ce livre a été pour moi un moyen de pardonner à mon père, de comprendre son combat. Il fallait que je le fasse pour ne pas être dominé par ma propre colère », confiait Russell Banks. Un roman sur le poids de l’héritage familial et social qui « dénonce magistralement les valeurs viriles véhiculées par un certain mythe américain ». Ce roman a été porté à l’écran par Paul Schrader en 1997. (Actes Sud, coll. Babel, 496 p.)

« De beaux lendemains » (1991)

De beaux lendemains est le récit d’un accident de bus scolaire mortel, raconté par quatre protagonistes du drame : la conductrice du bus, un père ayant perdu ses deux enfants dans l’accident, l’avocat chargé d’obtenir réparation pour les victimes, et enfin une adolescente rescapée, qui a perdu ses deux jambes dans l’accident. A travers le témoignage de ces différentes personnalités de tous âges et de toutes origines, qui s’expriment à l’occasion d’un événement tragique, c’est la voix profonde de l’Amérique que Russell Banks fait entendre. Ce roman publié en 1991 a été adapté en 1997 dans un film signé Atom Egoyan sacré Grand Prix au festival de Cannes la même année. (Actes Sud, coll. Babel, 336 p.)

« Pourfendeur de nuages » (1998)

Dans ce roman paru en 1998, Russell Banks relate la guerre de Sécession en racontant le destin de l’abolitionniste John Brown par la voix de son fils Owen, devenu un vieux monsieur. Un portrait « de l’intérieur », loin de la vision héroïque délivrée par les livres d’histoire. Pourfendeur de nuages signe l’engagement de Russell Banks sur la question du racisme aux États-Unis, un thème omniprésent dans son œuvre. L’écrivain y peint également l’âpre vie quotidienne dans les terres sauvages de l’Amérique colonisées par les premiers pionniers. Ce pavé de plus de 800 pages est « son chef-d’œuvre », selon l’écrivaine Joyce Carol Oates. (Actes Sud, coll. Babel, 880 p.)

« American Darling » (2005)

Hannah Musgrave, cinquante-neuf ans, à la tête d’une ferme écologique dans les Adirondaks, revient dans un long flashback sur son histoire. Issue de la bourgeoisie de gauche, elle s’est engagée dans des actions militantes extrémistes dans les années 70 qui l’ont obligée à s’exiler au Liberia, où elle a épousé un médecin, notable local, issu de la tribu dominante, et promis à un bel avenir. Après quelques années dans ce pays marqué par la violence et la guerre civile, elle est rentrée aux Etats-Unis, abandonnant au passage son mari, devenu ministre de la santé, et ses trois fils. American Darling est autant une plongée dans l’histoire du Liberia en miroir de celle des Etats-Unis, que le portrait subtil d’une femme au tempérament mystérieux. (Livre de poche, 512 p.)

« Lointain souvenir de la peau » (2012)

Lointain souvenir de la peau raconte l’histoire du Kid, jeune homme de 20 ans condamné pour délinquance sexuelle, en liberté conditionnelle. Le Kid vit sous un viaduc, en compagnie d’une colonie de délinquants sexuels interdits de séjour dans la cité. Fichés, sous bracelet électronique, interdits d’habiter à moins de 760 mètres d’une école ou d’une crèche, ou de n’importe quel autre endroit fréquenté par des enfants, ils n’ont d’autre choix que de vivre dans des lieux à l’écart du monde. Comment Le Kid en est arrivé là ? Un parcours de solitude, de violence, d’abandon, un monde affectif limité à une mère défaillante et à un iguane en guise d’animal de compagnie, c’est ce que raconte ce roman bouleversant. La frontière entre les deux mondes, celui du dessous du viaduc, versus celui du dessus, des nantis, se lézarde peu à peu au fil des pages, Russell Banks s’attachant à montrer ce qui se cache derrière les évidences pour percer la vérité des êtres au-delà d’une fiche, d’un profil ou d’un statut social. Lointain souvenir de la peau scanne sans tabou une société américaine puritaine et paranoïaque. (Actes Sud, coll. Babel, 544 p.)

« Un membre permanent de la famille » (Nouvelles, 2015)

Dans ce recueil de douze nouvelles, l’écrivain américain livre une galerie de portraits dont les personnages évoluent entre l’Etat de New York et la Floride. Un vieil homme à l’hôpital entouré de ses fils, un représentant en chapelles en quête d’aventures dans le casino d’une réserve indienne, une femme noire perchée sur une vieille Buick qui tente d’échapper à un chien de garde d’un concessionnaire automobile, un homme qui vient d’être transplanté confronté à la veuve de son donneur… Russell Banks embarque le lecteur en quelques pages ciselées dans la vie de ces âmes en perdition, prêtes à sauter le pas pour changer la trajectoire de leurs vies souvent marquées par la solitude. (Actes Sud, coll. Babel, 240 p.)

« Voyager » (2017)

Russell Banks fut un grand voyageur. Très jeune, il a parcouru le monde, des îles de la Caraïbe aux sommets de l’Himalaya. C’est une dimension de l’écrivain que l’on découvre dans ce recueil de récits. A travers ses voyages, Russell Banks dessine aussi un autoportrait, interrogeant « sa relation au monde, aux femmes, et, plus largement, à la condition humaine ». (Actes Sud, coll. Babel, 432 p.)

« Oh, Canada » (2022)

Ce dernier livre malheureusement prémonitoire de l’écrivain américain est paru en septembre 2022. Alors qu’il se sait atteint d’une maladie incurable, Leonard Fife, célèbre documentariste, accepte de répondre sans détours et en présence de sa femme Emma, à une interview filmée. Après une vie de mensonges, Fife souhaite lever le voile sur ses secrets, mais l’aggravation rapide de son état fait prendre à sa confession une tournure inattendue. Moins social, plus intimiste, ce dernier roman testamentaire interroge sur la question de la mémoire et de « ce qui reste -de soi, des autres- lorsqu’on a passé sa vie à se dérober ».


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