Le film « Roma », splendide récit intimiste d’une enfance mexicaine

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Yalitza Aparicio (Cleo), Marco Graf (Pepe), Fernando Gradiaga (Antonio) et Marina De Tavira (Sofia) dans « Roma », écrit et réalisé par Alfonso Cuaron.

Yalitza Aparicio (Cleo), Marco Graf (Pepe), Fernando Gradiaga (Antonio) et Marina De Tavira (Sofia) dans « Roma », écrit et réalisé par Alfonso Cuaron. CARLOS SOMONTE / NETFLIX / AP

Certains films ont l’art de faire couler beaucoup d’encre avant même leur sortie. Ainsi de Roma du réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, qui, plus fort encore, ne sort même pas au cinéma en France mais est directement diffusé sur la plate-forme de streaming Netflix qui en a acquis les droits et entend le diffuser sans respecter la chronologie des médias protégeant en France la vie du cinéma. On connaît le prologue de l’histoire. Absence du film au Festival de Cannes, puis Lion d’or à Venise qui s’est empressé de l’inviter pour tirer les marrons du feu.

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Quelques projections exceptionnelles auront eu lieu néanmoins à Paris ici et là, sur invitation et à l’initiative de la Maison de l’Amérique latine et de l’Institut culturel du Mexique. D’autres furent organisées à l’intention des critiques de cinéma, invités à découvrir ce film sur grand écran et à écrire sur lui comme si les spectateurs allaient le découvrir dans les mêmes conditions. Il n’en est évidemment rien. Ce tour de passe-passe, qui vise à contourner le blocage français et à obtenir une reconnaissance cinéphilique, obligera néanmoins tout critique un tant soit peu honnête à faire savoir, sensation étrange, qu’il écrit sur un film que les spectateurs ne verront pas dans le même état.

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Situation d’autant plus paradoxale que Roma – avec son noir et blanc en scope, ses plans séquences travaillés, sa composition en profondeur de champ – est un film qu’on pourrait qualifier, avec la réserve afférente, de sur-cinématographique. Alfonso Cuaron, 57 ans, réalisateur mexicain multicartes qui a passé son baptême du feu hollywoodien et n’a à peu près plus rien à prouver (voir Y tu mama tambien, Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban ou Gravity) révèle ici, comme jamais à ce jour, une veine intimiste et autobiographique. Soit une plongée dans le monde de son enfance, dans le quartier résidentiel de La Colonia Roma à Mexico, l’année 1971, qui fut à la fois celle du divorce de ses parents et d’un énième massacre d’étudiants.

Importance des personnages féminins

On y retrouve, élément stable de sa cinématographie, l’importance des personnages féminins. En l’absence du père, qui quitte discrètement le domicile conjugal sous le couvert d’une invitation professionnelle à l’étranger, la mère, la grand-mère et plus encore la domestique indienne Cleo, nourrice dévouée, prennent en charge le monde des enfants. Ce personnage de la domestique est familier dans le cinéma d’Amérique latine. Nombre de films d’auteurs contemporains ont livré de brutales chroniques ancillaires pour mieux accuser les inégalités de sociétés ô combien inégalitaires.


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