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Des députés de tous bords veulent réconcilier entreprises et « bien commun »

Il est rare de voir réunis sur une même estrade, pour défendre le même texte, un député de La France insoumise (François Ruffin), un député communiste (Pierre Dharéville), un autre de la majorité (Matthieu Orphelin) et un élu du Modem (Richard Ramos). C’est le défi qu’a réussi à relever Dominique Potier (Nouvelle Gauche), cheville ouvrière d’un amendement qui sera déposé ce mercredi en commission des Lois en prévision de l’examen, la semaine prochaine, du  projet de loi de révision constitutionnelle

Il s’agit de faire évoluer l’article 34 de la Constitution pour encadrer la liberté d’entreprendre et le droit de propriété afin de mieux respecter « le bien commun ». Un concept « dont tout le monde se réclame et dont l’Etat n’a plus le monopole », souligne Daniel Lebègue, président de l’Orse (Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises), signataire d’une  tribune de soutien à cette initiative.

Liberté d’entreprendre

Ces députés sont partis d’un constat : le Conseil constitutionnel, ces dernières années, a censuré  nombre de réformes visant à lutter contre certains abus, au motif qu’elles ne respectaient pas la liberté d’entreprendre ou d’autres libertés économiques faisant partie des droits fondamentaux. Ce fut le cas de la loi Sapin 2 par exemple, où  le reporting pays par pays , qui devait permettre – dans un souci de transparence – de savoir où les grandes entreprises paient leur impôt, a été jugé contraire à la liberté d’entreprendre.

De même, l’obligation pour les cabinets de conseil ou d’avocats fiscalistes de déclarer à l’administration fiscale les  schémas d’optimisation envisagés par leurs clients (une disposition incluse dans la loi de Finances 2014) a aussi été retoquée. Le non-respect du principe d’égalité des contribuables devant l’impôt a également été paradoxalement invoqué pour censurer des mesures visant à lutter contre la fraude fiscale. Mesures censées restaurer une forme d’égalité, justement, dans le paiement de l’impôt.

Hiérarchie des droits fondamentaux

Pour Stéphane Vérac, enseignant en droit à l’Université d’Amiens, « il y a une hiérarchisation dans les droits fondamentaux et la liberté d’entreprise a tendance à primer sur d’autres droits, comme le droit au travail, à la santé. Les grandes entreprises profitent de certaines protections constitutionnelles qui sont censées protéger les citoyens ».

Pour autant, l’initiative ne se veut pas anti-entreprises : « Les entreprises peuvent être des agents exemplaires de la transformation du monde. Elles ont un enjeu de montée en responsabilisation », souligne la philosophe Cynthia Fleury, elle aussi signataire de la tribune. Une affirmation qui entre en résonance avec la réécriture du Code civil auquel procède  la loi Pacte .

Nécessaire rééquilibrage

« Cela fait un moment que nous, parlementaires, avons identifié cette déformation du droit constitutionnel par rapport à l’intention de départ. Un rééquilibrage est nécessaire, or le président de la République, avec la révision constitutionnelle, nous en donne l’opportunité », explique Dominique Potier, qui peut aussi compter dans sa démarche sur le soutien de personnalités extérieures comme les juristes Mireille Delmas-Marty et Antoine Lyon-Caen, ou l’économiste Olivier Favereau. 

Rien ne dit toutefois que cette initiative sera suivie par le groupe majoritaire à l’Assemblée, et encore moins par le gouvernement. D’autant que le sujet fait déjà débat dans les médias puisque plusieurs intellectuels ont signé une contre-tribune pour s’opposer à cette révision constitutionnelle, critiquant notamment le flou qui entoure la notion de « bien commun ». Michel Onfray, Luc Ferry, mais aussi les économistes David Thesmar et Jean-Marc Daniel, font partie des signataires.


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