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Blocages de routes : qui se cache derrière Dernière Rénovation ?

« C‘est la première étape à notre survie. » Assis au milieu de la route, plusieurs dizaines de militants bloquent la circulation sur le quai d’Orsay à Paris, devant l’Assemblée nationale, ce mercredi 2 novembre. Sur leurs banderoles roses, deux mots inscrits en lettres capitales jaunes : « Dernière Rénovation ». Ces derniers jours, le mouvement écologiste multiplie les actions, dont plusieurs blocages routiers. À la veille du week-end de la Toussaint, ils ont notamment bloqué l’A6a, près de la capitale. Dernière Rénovation milite pour un plan ambitieux de rénovation thermique des logements. Ce mercredi, les militants défendent l’amendement au projet de loi de finances qui consacre 12 milliards d’euros à cet objectif, voté par les oppositions mais que le gouvernement pourrait écarter en activant le 49.3.

Au milieu de la route, la quasi-totalité des militants sont des jeunes. Nicolas, 20 ans, en est à sa troisième action. « On aimerait bien ne pas en arriver là, mais on fait notre devoir de citoyen pour rappeler au gouvernement les engagements qu’il a pris », explique l’étudiant en physique. « La convention citoyenne sur le climat a déjà été balayée, regrette Élie*, 23 ans. Tous les experts prônent un plan de rénovation thermique, on a l’impression qu’il n’y a que le gouvernement qui bloque. »

Désobéissance civile

Créé début 2022, Dernière Rénovation revendique plusieurs centaines de militants. Membre du réseau A22, le collectif prône la désobéissance civile non violente, sur le modèle du mouvement écologiste radical Extinction Rebellion. Cet été, ses militants se sont déjà fait remarquer en faisant irruption sur un court de Roland-Garros ou en interrompant une étape du Tour de France. Constatant que « les actions purement symboliques ont leurs limites », Dernière Rénovation a trouvé dans le blocage des routes un moyen efficace de se faire entendre. « D’autant, ajoute un membre, qu’on peut bloquer sans être beaucoup. C’est un choix pratique, nous n’étions qu’une vingtaine au départ. »

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Les actions de ces derniers jours, largement médiatisées, ont suscité de l’intérêt. Ce mercredi, rendez-vous était donné une heure avant le blocage au jardin des Tuileries. Les « cadres » du mouvement, affublés d’un gilet orange, prennent à part des petits groupes de nouveaux pour les briefer sur l’action du jour. Charlotte, 24 ans – et un mois à Dernière Rénovation – explique sommairement l’amendement à défendre et le risque de 49.3, même si elle n’est « pas totalement calée ». « Le but, c’est de montrer qu’on est là, mais surtout de ne pas entrer dans le conflit avec les forces de l’ordre. » La non-violence, les militants y tiennent.

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Tour à tour, les nouveaux se présentent. Cassandra*, 23 ans, est venue par « colère et lassitude, pour montrer qu’on est conscients de ce qu’il se passe et qu’on n’est pas d’accord ». « C’est aussi le problème des ménages qui ne peuvent pas payer leurs factures d’énergie et qui vont mourir de froid », acquiesce Nelly, 36 ans. Si certains sont des novices, beaucoup ont déjà fait un passage par d’autres mouvements écolos. Pour Nicolas par exemple, c’était Extinction Rebellion. « J’ai déjà milité, ajoute Charlotte, mais c’est la première fois que je m’implique autant. »

Mains collées au bitume

L’action ne se passera pas comme prévu : impossible d’aller bloquer le pont de la Concorde, les forces de l’ordre encerclent les manifestants devant la grille des Tuileries. Un accord est trouvé pour marcher jusqu’à l’Assemblée, mais, escortés par les gendarmes et alors qu’ils traversent la route, les militants s’assoient soudainement, bloquant la circulation. Quelques-uns, comme Rachel, se collent la main au bitume. « Ça prolonge le temps de blocage, et il n’y a pas de retour en arrière possible », explique la jeune femme de 20 ans, qui y voit « un acte très fort en tant que citoyen ». Elle en est à son troisième blocage : vendredi, sur l’A6a, les policiers ont arraché sa main collée à l’asphalte.

Ce midi, tout se passe bien, mais certains blocages ont donné lieu à de violentes altercations avec les automobilistes. « On est désolés que ça tombe sur eux, mais c’est notre avenir à tous, et ce qui nous attend est plus grave que d’être coincé une demi-heure sur l’A6 », souffle Rachel, qui assure ne plus avoir le choix : « On a fait des pétitions, on a tout tenté, mais rien n’a fonctionné… » Ne risquent-ils pas de pousser le curseur trop loin, braquant tout le monde et brouillant le message ? « On n’arrête pas de nous traiter d’écoterroristes, fustige un porte-parole, mais nous sommes simplement des jeunes anxieux qui agissent par amour des générations actuelles et à venir. »

Une référence au terme d’« écoterroriste » employé par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin après la manifestation du samedi précédent à Sainte-Soline contre un projet de superbassine. Comme dans les Deux-Sèvres, des députés EELV (et d’autres de la Nupes), sont présents avec les militants de Dernière Rénovation, qu’ils soutiennent, notamment Éva Sas, qui a porté l’amendement pour les 12 milliards à la rénovation thermique. « Les écologistes ont toujours eu un pied dans les institutions et un autre dans les mouvements sociaux. Toutes les formes d’action sont souhaitables dès lors qu’elles sont non violentes. »

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La présidente du groupe écologiste à l’Assemblée, Cyrielle Chatelain, assume la présence des élus et estime que ces actions de « désobéissance civile » sont nécessaires pour « porter nos luttes au-delà de l’Hémicycle ». « Le mouvement pour le droit de vote des femmes s’est fait par ce qui était, à l’époque, de la désobéissance civile ! » Quant aux propos de Gérald Darmanin, la députée de l’Isère dénonce une « grave erreur » du ministre qui « mélange tout » : « Le terrorisme, c’est des actions violentes pour terroriser la société ; ici on est pour la non-violence. » Sandrine Rousseau y voit une stratégie claire du gouvernement : celle de « l’intimidation de la lutte écologiste ».

*Les prénoms ont été modifiés.


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