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Swot, une mission inédite spectaculaire et scientifiquement révolutionnaire

À quelques jours du lancement du satellite Swot, prévu le 15 décembre, nous avons rencontré Sophie Coutin-Faye, chef du service d’altimétrie, et Nicolas Picot, chef de projet Swot aval. Ces deux ingénieurs du Cnes nous éclairent sur les objectifs de cette mission qu’ils n’hésitent pas à qualifier de « techniquement spectaculaire » et « scientifiquement révolutionnaire ».

Lorsqu’en août 1992, la Nasa et le Cnes lancent Topex-Poséeidon, qui marque alors le tout début de l’altimétrie spatiale de précision, personne n’imagine que cette discipline va révolutionner la connaissance des océans. Mieux encore, avec une capacité inédite de mesurer la hauteur des océans précisément au centimètre près, les scientifiques se sont vite rendu compte qu’ils disposaient d’un très bon indicateur du changement climatique sur un temps long.

Trente ans plus tard, l’altimètre spatial s’apprête à changer de dimension avec le lancement dans quelques jours du satellite Swot, du Cnes et de la Nasa. Dans la continuité des satellites altimétriques précédents, cette mission ouvrira une nouvelle ère dans « l’observation des eaux de surface continentales, lacs et cours d’eau avec des perspectives révolutionnaires dans le domaine de l’hydrologie continentale et de l’océanographie », nous explique Sophie Coutin-Faye, chef du service d’altimétrie au Cnes et Nicolas Picot, chef de projet Swot aval au Cnes.

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Pourquoi le satellite Swot est une révolution ?

Pour cela, ce satellite embarque une technologique de rupture qui va révolutionner la connaissance du cycle de l’eau à l’échelle de la Planète : « Lacs, rivières, fleuves, réservoirs et océans… 90 % des eaux de surface de la Terre seront sondées avec une résolution inégalée ! » Si l’altimétrie spatiale a commencé à s’intéresser aux eaux et glaces continentales depuis de nombreuses années, et notamment depuis les missions Jason-2 et Envisat, on change de dimension avec Swot. Avec les missions actuelles, la vision est nadir et les performances centimétriques sur les océans, décimétriques sur les eaux continentales ; avec Swot, la vision « s’annonce spectaculaire ».

La quasi-totalité de l’eau à la surface de la Terre observée par Swot

Grâce à deux antennes radar situées aux extrémités d’un mât de 10 m, KaRIn sera « capable de réaliser des mesures le long dune fauchée large de 120 km alors que les radars altimétriques actuels sont limités à une mesure à la verticale du satellite (vision nadir) ». Cette large trace au sol permettra d’accéder au « champ spatialisé des niveaux deau des fleuves de largeur supérieure à 100 m, ainsi que des lacs et zones dinondation de surface supérieure à 250 m x 250 m, avec une précision décimétrique pour des corps en eau de taille d’1 km2, et de quantifier les pentes avec une précision de lordre de 1,7 cm/km ».

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Autrement dit, en étant capable d’observer à la fois « l’étendue spatiale, la hauteur et la pente des fleuves, Swot sera capable de voir les fleuves en 3D » ! Ces paramètres sont essentiels pour calculer les informations de débits des rivières, ou de variations de volumes sur les lacs, « mal estimés à l’échelle de la Planète ». Sur les océans, la « vision bi-dimensionnelle de cet instrument et sa précision vont améliorer d’un facteur 10 la capacité d’observation des phénomènes de petite échelle océanique qui jouent un rôle majeur dans les échanges de chaleur entre océan et atmosphère ».

“La mission Swot doit nous amener à une meilleure compréhension du cycle de l’eau à l’échelle globale”

La mission Swot « doit nous amener à une meilleure compréhension du cycle de l’eau à léchelle globale ». À cela s’ajoute que l’observation et la compréhension de la distribution des ressources en eau et de leurs variations sont « essentielles pour répondre à des enjeux à la fois scientifiques, mais aussi sociétaux et économiques ».

Pour comprendre l’enthousiasme des deux ingénieurs, il faut prendre conscience que si la Terre est recouverte d’eau à environ 71 %, « une très grande proportion (97,5 %) est de l’eau salée ». L’eau douce est présente en quantité très limitée (2,5 %), principalement « contenue dans les glaciers, dans les calottes polaires et dans les sous-sols, les aquifères ». Seul 1 % de ces 2, 5 % (donc 0,025 %) est dans les sols, les lacs et les rivières et donc « directement disponible et exploitable pour les besoins vitaux de toutes formes de vie ». Or, le cycle de cette eau « est encore mal connu et les flux mal quantifiés, de sorte que l’on s’attend à une révolution ».

La mission Swot résumée en moins de trois minutes. © Nasa, Cnes, CSA

Et c’est là tout l’intérêt de la mission Swot dont un des paris est « darriver à mieux comprendre le cycle de l’eau sur les terres émergées, le cycle des pluies qui vient principalement de l’évaporation qui se produit majoritairement sur les océans et de mieux quantifier la quantité d’eau qui vient des rivières vers les océans », afin de permettre une meilleure « prévision du climat et un contrôle affiné des ressources en eau de la Planète (consommation et activités humaines telles que lagriculture, lurbanisation, la production d’énergie hydroélectrique, la navigation fluviale…).

Une mission inédite d’étude de la topographie des océans

Dans le domaine de l’océanographie, Swot ne va « évidemment pas se contenter de poursuivre les mesures du niveau des océans et des mers ». Avec ses performances altimétriques inédites, Swot va nous montrer des détails invisibles à ce jour. Avec l’altimètrie conventionnelle au nadir, l’océan est décrit avec des échelles spatiales proches de 200 km. Or, Swot et son radar interférométrique KaRIn, permettront d’accéder à des « échelles spatiales plus petites et avec une couverture quasi globale » et donc de « décrire la circulation océanique mésoéchelle et sub-mésoéchelle jusqu’à des résolutions spatiales de 15 km » !

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Concrètement, et pour la première fois, Swot doit fournir des « données sur les échanges d’énergies entre océan et atmosphère qui sont principalement reliés aux processus de petites échelles ». Ces processus de circulation océanique contiennent une « part importante de l’énergie cinétique océanique et jouent donc un rôle essentiel dans le transport du carbone et des nutriments », de sorte que, dans un monde de plus en plus chaud, une meilleure compréhension de ces phénomènes est cruciale pour comprendre l’avenir du changement climatique.

Enfin, Swot est aussi une mission de « démonstration technologique avec l’utilisation inédite d’un altimètre interférométrique large fauchée qui, s’il convainc la communauté des utilisateurs, pourrait inspirer le design de la mission Sentinel 3 NG Topo du programme européen Copernicus ».

Dans les années 90, Topex-Poseidon « a été une révolution sur la compréhension de locéan ». Dans quelques années, « nous dirons la même chose de Swot », estiment Sophie Coutin-Faye et Nicolas Picot en guise de conclusion.


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