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Vaccination contre le Covid-19 : cinq questions sur l’éventuelle injection d’une troisième dose voulue par les laboratoires

Vers l’administration prochaine d’une troisième dose de vaccin contre le Covid-19 ? Jean Castex a évoqué cette hypothèse lors d’une déclaration au Congrès annuel des villes de France, jeudi. « Sans doute pour les plus vulnérables, vaccinés les premiers, à la fois parce qu’ils sont vulnérables et que cette vaccination est intervenue de manière anticipée, il nous faudra une troisième dose parce que les défenses immunitaires s’affaiblissent », a expliqué le Premier ministre.

De leur côté, Pfizer et BioNTech prévoient de demander « dans les semaines qui viennent » l’autorisation à l’Agence européenne des médicaments et son équivalent américain, pour l’administration de cette troisième dose. Qui sont les personnes à ce stade concernées ? Pourrait-elle être étendue à l’ensemble de la population ? Franceinfo fait le point.

1Qui est déjà concerné ?

Dans un avis du 6 avril, le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale (COSV) avait recommandé « l’injection systématique d’une troisième dose de vaccin pour les personnes sévèrement immunodéprimées ». Il s’agit de patients « dialysés », de « transplantés d’organes solides » ou « de moelle osseuse ». Les personnes atteintes de maladies auto-immunes et suivant un traitement immunosuppresseur « fort de type anti-CD20 ou anti-métabolites », ainsi que des Français traités pour plusieurs types de lymphomes sont également concernés. Pour eux, cette troisième dose ;interviendrait quatre semaines après la deuxième, ou « dès que possible » si ce délai est dépassé.

La direction générale de la santé (DGS) a confirmé cet avis début mai. Depuis le courant du mois de mai, les personnes sévèrement immunodéprimées peuvent ainsi prendre rendez-vous pour une troisième injection, souligne Les Echos.

2La troisième dose sera-t-elle étendue à un public plus large ?

À l’instar de Jean Castex hier, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a laissé entendre qu’une troisième injection pour les personnes âgées, plus à risque de développer une forme sévère du Covid-19, serait possible prochainement.

« Quand vous avez 90, 95 ans, votre système immunitaire répond moins bien. C’est pour ça qu’on envisage un rappel de vaccination à la rentrée pour les personnes âgées dans les Ehpad », a-t-il déclaré sur franceinfo. « Peut-être faudra-t-il le faire pour renforcer leur immunité », a-t-il défendu.

Le ministre de la Santé s’est à nouveau exprimé vendredi matin. « Ce qui semble faire consensus, c’est un rappel chez des personnes fragiles », a-t-il déclaré sur France Inter. Le PDG de Moderna, Stéphane Bancel, estime aussi dans un entretien à L’Obs (article pour abonnés) que le scénario « le plus prudent » est celui d’« une troisième dose pour les personnes les plus à risque, qui ont été vaccinées en décembre 2020 ou en janvier 2021 », dès la fin de l’été.

Le laboratoire américain Pfizer penche pour une troisième injection généralisée. Début avril, le dirigeant de la société, Albert Bourla, s’en était confié à la chaîne CNBC*. « Il est probable qu’il y ait besoin d’une troisième dose, entre six et douze mois (après les deux premières injections), et qu’il y ait ensuite un rappel chaque année », a-t-il expliqué. Un scénario qui devait encore « être confirmé ». « Les variants joueront un rôle clé. » Alex Gorsky, le PDG de Johnson & Johnson, envisage lui aussi la nécessité d’une vaccination annuelle contre le Covid-19, souligne Le Figaro.

3Que disent les essais cliniques ?

Pfizer et BioNTech ont annoncé jeudi avoir « constaté des résultats encourageants des essais en cours pour une troisième dose du vaccin actuel ». Selon ces « données préliminaires », « une dose de rappel six mois après la seconde dose a un profil de tolérance cohérent, tout en suscitant de hauts niveaux d’anticorps neutralisants contre le virus et le variant Beta, cinq à dix fois supérieurs par rapport à deux doses. » Les laboratoires s’appuient sur une étude récente de Nature*, montrant les résultats encourageants, bien que limités en raison de la taille de l’échantillon analysé, de leur vaccin contre le variant Delta.

Selon les laboratoires, « si la protection contre les cas graves de la maladie reste haute durant six mois » avec les deux premières doses, « un déclin de son efficacité contre les cas symptomatiques au cours du temps, et avec l’émergence de variants, est attendu ». Pfizer et BioNTech « s’attendent à ce qu’une troisième dose stimule encore plus les titres d’anticorps, de la même manière qu’elle le fait pour le variant Beta ». Des tests sont en cours pour « confirmer cette hypothèse ».

Des données préliminaires* de chercheurs de l’université d’Oxford ont également montré, fin juin, qu’une troisième dose du vaccin AstraZeneca entraînait « une forte hausse de la réponse immunitaire » face aux variants Alpha, Beta et Delta.

4Est-ce nécessaire pour tous ?

L’intérêt économique d’une troisième dose pour l’ensemble de la population est clair pour les laboratoires, en parallèle d’une nouvelle version du vaccin. Les sociétés Pfizer et BioNTech ont d’ailleurs annoncé travailler sur une version actualisée de leur vaccin contre le Covid-19, qui « cible la protéine Spike entière du variant Delta ».

A ce stade toutefois, la nécessité d’une troisième dose pour tous n’est pas encore établie sur le plan scientifique. « Il n’y a pas d’indication qu’un rappel est nécessaire », écrivent ainsi les chercheurs d’Oxford dans leur étude préliminaire. « La priorité est de s’assurer que des gens à travers le monde reçoivent leur première dose. »« Les Américains qui ont été entièrement vaccinés n’ont pas besoin d’un rappel à l’heure actuelle », ont également assuré l’agence américaine des médicaments (FDA) et les Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC).« Nous sommes prêts à administrer des doses de rappel, si et quand la science aura démontré qu’elles sont nécessaires. »

Vaccin contre le Covid : faudra-t-il une troisième dose ?
France 2

Une autre étude publiée le 28 juin dans la revue Nature* montre également que la réponse immunitaire déclenchée par les vaccins à ARN messager de Pfizer-BioNTech et Moderna pourrait fonctionner plusieurs années, voire plus longtemps contre le Covid-19, s’il ne mute pas trop, souligne le New York Times*. Les recherches de l’université Washington de Saint-Louis (Missouri, Etats-Unis) montrent que les participants avaient toujours, 15 semaines après leur première dose, des centres germinatifs très actifs dans leurs organismes.

« Le fait que ces réactions continuent après près de quatre mois après la vaccination, c’est un très, très bon signe. »

Ali Ellebedy, immunologue à l’université Washington

au « New York Times »

En général, ces centres germinatifs sont très actifs une à deux semaines après l’injection, avant de décliner. « Tout le monde se concentre sur l’évolution du virus. Cela (cette étude) montre que les cellules B font de même », a confirmé au quotidien américain l’immunologue Marion Pepper. « Cela va offrir une protection contre l’évolution en cours du virus, ce qui est vraiment encourageant. »

5Y aura-t-il assez de doses pour tout le monde ?

Cette question se posera si une troisième dose est jugée nécessaire pour une population plus large qu’actuellement. Interrogé par RFI, Jean-Daniel Lelièvre, chef du service immunologie clinique et maladies infectieuses de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (Val-de-Marne), estime que « malgré ce que disent Moderna et Pfizer, ils n’auront sans doute pas suffisamment de vaccins pour couvrir l’ensemble de la planète » avec une troisième dose de leurs vaccins, si celle-ci est finalement jugée nécessaire.

La combinaison de vaccins, si elle est jugée efficace par les chercheurs, pourrait alors devenir une solution. « Si vous avez exactement la même efficacité en faisant deux Pfizer et un rappel avec un vaccin protéique, comme on l’imagine, vous augmentez les chances d’avoir une vaccination efficace avec tout type de plateforme », souligne Jean-Daniel Lelièvre.

Sur franceinfo, la ministre chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, a récemment fait part de ses espoirs concernant le prochain vaccin de Sanofi, annoncé pour décembre. Celui-ci « pourrait être la troisième prise en France, le rappel pour la population qui aurait été vaccinée en ce moment ». « Ces personnes pourraient avoir le choix entre différents vaccins », a-t-elle expliqué.

*L’ensemble de ces liens sont en anglais.


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