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TRIBUNE. « A l’heure où le climat s’emballe », des journalistes lancent une charte pour un traitement médiatique « à la hauteur de l’urgence écologique »

Plus de climat et de biodiversité dans les médias. C’est l’appel lancé par plus de 500 journalistes, mercredi 14 septembre, après un été marqué par les violentes manifestations du réchauffement climatique en France. Pour améliorer la médiatisation de ces enjeux cruciaux, en quantité et en qualité, ils ont mis au point une charte « pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique », qu’ils vous présentent dans cette tribune publiée sur franceinfo.fr. Ils s’expriment ici librement.


Une succession inédite de vagues de chaleur ont lourdement éprouvé nos organismes et la biodiversité, une sécheresse-record a privé d’eau des dizaines de communes et détruit des récoltes, les premiers mégafeux français ont rasé des forêts et fait évacuer des villages entiers, des pluies diluviennes, des inondations et des orages meurtriers ont dévasté des territoires… Cet été a offert un large aperçu d’un monde surchauffé par les activités humaines.

Et pourtant.

« Combien d’articles, de sujets de radio ou de télévision ont fait le lien entre ces événements et le bouleversement du climat ? Ont expliqué comment réduire les émissions qui en sont à l’origine ? Ou comment adapter nos sociétés aux bouleversements en cours et à venir ? »

Les signataires de la tribune

sur franceinfo.fr

A l’heure où le climat s’emballe, certaines pratiques journalistiques sont en décalage avec les faits : les images d’enfants qui badinent dans l’eau pour illustrer des vagues de chaleur mortelles ; la promotion des vols à bas coût et lointains, quand l’avion est l’un des moteurs du réchauffement ; l’appel sempiternel aux « petits gestes », sans remise en cause des principales sources d’émissions de gaz à effet de serre.

Les insuffisances d’une partie de la profession ne passent pas inaperçues : 53% des Français·es estiment que les médias n’accordent pas assez de place à l’environnement et au climat ; un tiers juge « anxiogène » ou « catastrophiste » le traitement de ces sujets. Plus de la moitié en souhaiterait un récit « constructif » et « porteur de solutions », selon une étude Viavoice de 2021.

« Le mauvais traitement médiatique des sujets liés au climat et à la biodiversité nuit gravement au débat démocratique. »

Les signataires de la tribune

sur franceinfo.fr

Comme l’ont rappelé les experts du Giec dans leur dernier rapport, les médias « cadrent et transmettent les informations sur le changement climatique. Ils ont un rôle crucial dans la perception qu’en a le public, sa compréhension et sa volonté d’agir ». Le manque d’informations des citoyens sur ces enjeux cruciaux empêche de faire des choix en toute connaissance de cause et retarde l’action, à l’heure où, plus que jamais, les sociétés doivent se mobiliser pour enrayer la crise climatique et s’adapter à ses effets les plus néfastes. Alors que fleurissent le greenwashing, les solutions trompeuses et les fausses informations, la responsabilité des journalistes est immense.

Heureusement, grâce aux alertes des scientifiques et aux interpellations de la société civile, les lignes bougent. Aux quatre coins du globe, la profession s’organise pour faire face à ce défi d’ampleur. Depuis 2015, des médias anglophones se coalisent pour étoffer les lignes éditoriales avec des sujets liés au climat ; en avril 2022, des journalistes germanophones ont publié une charte du journalisme climatique. En France, des rédactions s’ouvrent à la formation aux enjeux écologiques ; de nouveaux programmes et formats naissent, dans les petits médias comme dans les plus installés ; les écoles travaillent à mieux outiller leurs jeunes pousses.

Pour accélérer ce processus, des journalistes de bonne volonté, issus de tous médias et de toutes spécialités, se sont unis pour rédiger une « charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique » à destination de leurs pairs. Lien entre climat, biodiversité et justice sociale, pédagogie, ordres de grandeur, mise à nu du greenwashing, indépendance éditoriale des rédactions vis-à-vis de leurs propriétaires, droit à la formation…

« En 13 points, cette charte, pensée comme une boussole, propose des repères et invite chacun, spécialistes et non-spécialistes, à interroger ses pratiques. »

Les signataires de la tribune

sur franceinfo.fr

A ce jour, plus de 400 professionnels et rédactions l’ont signée et des dizaines de scientifiques et personnalités de tous horizons la soutiennent.

Nous vous invitons, chers confrères et chères consœurs journalistes, rédacteur·ices en chef et directeur·ices de rédactions à vous emparer de ce document afin d’améliorer collectivement la médiatisation de ces enjeux cruciaux pour les générations actuelles et à venir. Et de permettre aux citoyen·nes et à leurs représentant·es de faire des choix – individuels et collectifs  éclairés qui garantissent la préservation de bonnes conditions de vie sur Terre.

>> La charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique est disponible à cette adresse.

Les signataires de la tribune et co-auteurs·trices de la charte :

Loup Espargilière, Vert le média
Juliette Quef, Vert le média
Anne-Sophie Novel, journaliste indépendante, vice-présidente des Journalistes pour la nature et l’écologie
Sophie Roland, journaliste indépendante, formatrice
Hervé Kempf, Reporterre
Laury-Anne Cholez, Reporterre
Thomas Baïetto, franceinfo.fr
Millie Servant, Climax
Steven Jambot, RFI
Julien Le Bot, journaliste indépendant, auteur-réalisateur et responsable innovation Samsa.fr
Paloma Moritz, Blast
Laurie Debove, La relève et la peste
Lucile Berland, journaliste indépendante
Philippe Vion-Dury, Socialter
Carine Mayo, secrétaire générale des Journalistes écrivains pour la nature et l’écologie
Camille Adaoust, franceinfo.fr
Sandrine Feydel, France 2 et France 3
Lauren Boudard, Climax
Rafaele Brillaud, Ecole supérieure du journalisme de Lille
Dan Geiselhart, Climax

Une démarche soutenue par :

Christophe Cassou, climatologue, auteur du Giec
Wolfgang Cramer, géographe, auteur du Giec
Cyril Dion, réalisateur
François Gemenne, géopolitologue, auteur du Giec
Philippe Grandcolas, écologue, directeur de recherche au CNRS
Céline Guivarch, économiste, autrice du Giec, membre du Haut Conseil pour le climat
Jean Jouzel, climatologue, ancien auteur du Giec
Gonéri Le Cozannet, géologue, auteur du Giec
Benoit Leguet, directeur d’I4CE, membre du Haut Conseil pour le climat
Valérie Masson-Delmotte, climatologue, co-présidente du Groupe 1 du Giec, membre du Haut Conseil pour le climat
Philippe Quirion, économiste au CNRS
Magali Reghezza-Zitt, géographe, membre du Haut Conseil pour le climat
Jean-Baptiste Sallée, climatologue, auteur du Giec
Yamina Saheb, économiste, autrice du Giec
Roland Séférian, climatologue, ancien auteur du Giec
Marc-André Selosse, biologiste, professeur au Muséeum d’histoire naturelle
Sophie Szopa, chimiste de l’atmosphère, autrice du Giec


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