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Pénurie de carburant : la communication de l’exécutif frôle la panne sèche

Elisabeth Borne quitte Alger et convoque une réunion à Matignon à 21h, lundi 10 octobre, avec Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. Clément Beaune pour les Transports, Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement. Objectif : faire le point sur la situation et sur les prochaines étapes. Et la communication qui en découle.

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Selon les informations de franceinfo, la décision d’interdire de remplir des jerricans partout en France dès mardi est prise. Les préfets vont recevoir l’instruction de prendre un arrêté en ce sens. Débloquer de force les dépôts : le sujet sera aussi sur la table, selon une source ministérielle. Toutefois, le gouvernement a bon espoir de voir aboutir assez vite les négociations. Au moins chez Esso, confie le ministère de la Transition énergétique. Mais même si le conflit cessait demain, il faudrait au moins cinq à six jours pour réapprovisionner l’ensemble des pompes, reconnaît une source au gouvernement.

Depuis la semaine dernière, l’exécutif peine à ajuster sa communication à ce que vivent de nombreux Français. Faisons un petit retour en arrière. Le mouvement de grève est entamé depuis le 20 septembre chez Esso-ExxonMobil, le 27 septembre chez TotalEnergies. Mercredi dernier quand Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, prend la parole à la sortie du conseil des ministres, cela fait donc au bas mot une semaine que le conflit social a débuté. , on ne va pas manquer d’essence, assure-t-il lors d’un point presse. Il y a un problème de grève qui va être réglé dans certaines raffineries. »  

Pas de pénurie ? Inaudible pour qui doit déjà faire le tour des stations-service pour se ravitailler et de quoi alimenter le procès en déconnexion.

Vendredi, le Président de la République prend le dossier en main depuis Prague où il est en déplacement. « Je sais aujourd’hui l’inquiétude qu’il y a chez beaucoup de nos compatriotes en particulier dans la région Île-de-France et les Hauts-de-France pour ce qui concerne leur capacité à faire le plein d’essence ». Emmanuel Macron, après Élisabeth Borne, met son poids dans la balance pour appeler à la fois les grévistes et les directions des groupes pétroliers à négocier. Les stocks stratégiques sont mobilisés.

Mais à la pompe, la situation se dégrade encore. Samedi, sur franceinfo, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, continue de positiver et assure que « la situation devrait continuer à s’améliorer », mais dans le même temps, le nombre de stations à sec est en augmentation : de 21% samedi, elles passent à près de 30% à connaître des difficultés sur « un produit au moins ».  

Lundi 10 octobre, Gabriel Attal, le ministre délégué au budget, joue désormais à fond la carte de l’empathie. « C’est plus qu’un week-end tendu, c’était un week-end de galère pour des millions de Français qui ont eu le plus grand mal à trouver de l’essence, a-t-il convenu sur France Inter. Le message que je veux leur passer, ça vaut ce que ça vaut, c’est qu’on a bien conscience des grandes difficultés. On fait tout pour que la situation s’améliore le plus rapidement possible. »

« On fait tout pour que la situation s’améliore », cela veut dire quoi exactement ? Le gouvernement affiche une hausse de 20% des livraisons ce week-end, grâce à la mobilisation des stocks stratégiques, de l’augmentation des importations en provenance notamment de Belgique, de l’autorisation accordée aux camions citernes pour circuler ce week-end, avec des temps de conduite rallongés pour les chauffeurs. Ceci dit, une source ministérielle reconnaît des difficultés à trouver des volontaires pour rouler le dimanche.

Et puis le gouvernement se heurte à ce qu’il qualifie de « surconsommation des Français », + 30% ce week-end : une augmentation de 20% des livraisons d’un côté, une augmentation de 30% de la consommation  de l’autre, forcément cela coince. Mais cela montre aussi l’échec à rassurer.  

Ce week-end, Agnès Panier-Runacher, la ministre de l’Énergie, a multiplié les coups de fils. C’est ce que dit son entourage, tout en refusant d’en dévoiler la teneur. Mais « si Esso et TotalEnergies ont fait un pas [dimanche] en tentant de renouer le dialogue avec les grévistes, c’est bien qu’ils ont aussi porté leurs fruits », note un familier de l’Élysée. Pour illustrer la difficulté à un retour à la normale, ce dernier utilise la comparaison avec la fuite d’eau : les dégâts peuvent se poursuivre après la réparation. En clair, même avec l’augmentation des livraisons, et même si la grève s’arrête, l’exécutif prépare les esprits à ce que la situation ne revienne pas immédiatement à la normale.

Lundi, le président et la Première ministre ont tenté de peser de tout leur poids pour obtenir des progrès. Emmanuel Macron et Elisabeth Borne, l’un depuis la Mayenne où il est en déplacement pour parler du retour de l’Etat dans les territoires ruraux ; l’autre depuis l’Algérie, où elle était en visite pour relancer le partenariat avec la France. Les groupes pétroliers ont fait un pas : TotalEnergies a proposé d’avancer les négociations prévues en novembre au mois d’octobre, Esso-ExxonMobil a réuni les syndicats. Mais c’est toujours l’impasse : la grève est reconduite et s’étend même à une quinzaine de stations d’autoroute. Emmanuel Macron, qui assurait –un peu tôt– vendredi que Total et Esso étaient « en train de finaliser les négociations », est contraint de remettre la pression. « Je souhaite que dans les prochaines heures et au plus vite, une issue soit trouvée à cela. Vraiment, en tout cas, je pense à tous nos compatriotes qui vivent cette situation. Je remercie les transporteurs qui se sont mobilisés pour nous aider. Le gouvernement prend sa part en mettant la pression pour que les négociations aboutissent au plus vite. Mais il faut que les parties prenantes prennent leurs responsabilités. Le blocage, ce n’est pas une façon de négocier. »

« Vous comprendrez aisément qu’on ne va pas entrer dans une situation où c’est le président de la République qui va faire les négociations salariales chez Esso ou Total, parce que là, on va partir cul par dessus tête ! »

Emmanuel Macron

lundi 10 octobre

 

Changement par rapport à vendredi : désormais, l’exécutif cible d’abord l’attitude des syndicats et tente de jouer l’opinion contre les grévistes. Elisabeth Borne réclame que la situation se rétablisse au plus vite pour ne pas pénaliser les Français. « Moi, je note qu’Esso a mis une proposition d’accord sur la table. J’espère que les syndicats vont s’en saisir. Ça permettra de reprendre le travail chez Esso. Du côté de Total, il y a aussi la disponibilité à avancer les négociations qui a été communiquée par la direction. C’est dans la négociation entre la direction et les représentants des salariés qu’on doit pouvoir trouver une solution et non pas en bloquant le pays, en bloquant les Français. »


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