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Guerre en Ukraine : trois questions sur la riposte de la Russie contre le plafonnement du prix de son pétrole

Vladimir Poutine a signé mardi un décret interdisant la vente de son or noir aux pays qui appliquent le plafonnement à 60 dollars décidé par les Occidentaux dans le cadre des sanctions contre la Russie.

Sur le front de la bataille énergétique, la Russie réplique. Le Kremlin a annoncé, mardi 27 décembre, qu’il interdirait à partir du 1er février 2023 la vente de son pétrole brut aux pays étrangers qui appliquent le plafonnement du prix de l’or noir russe. Cette mesure a été décidée par l’Union européenne, les pays du G7 et l’Australie, début décembre, dans le cadre des sanctions contre Moscou. Ils entendent ainsi fragiliser le financement russe de la guerre en Ukraine et baisser ses revenus, le prix du baril avait été fixé à 60 dollars (56,4 euros). Franceinfo revient sur les conséquences de la contre-attaque de Vladimir Poutine en répondant à trois questions. 

1 Pourquoi la Russie réagit-elle ainsi?

« La livraison de pétrole et de produits pétroliers russes à des personnes morales étrangères et autres particuliers est interdite » si ceux-ci utilisent le prix plafond, précise un décret signé mardi par le président russe Vladimir Poutine. Les pays de l’Union européenne, ceux du G7 (l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni), et l’Australie.

Avant même le plafonnement, ces Etats appliquaient déjà un embargo sur le pétrole brut russe, transporté par voie maritime. Ils n’achètent donc plus cet hydrocarbure en provenance de Russie. Mais la décision concerne aussi les services (fret, assurance, etc.) que peuvent quand même fournir les entreprises occidentales à l’acheminement du pétrole russe sur les autres marchés. 

Or « les compagnies d’assurance de ces pays, notamment les Britanniques, couvrent à environ 90% les cargaisons de pétrole transportées par la mer », précise à franceinfo Patrice Geoffron, professeur d’économie et directeur du centre de géopolitique et de l’énergie et des matières premières à l’université Paris-Dauphine. En outre, une part importante de la flotte est sous contrôle des pays coalisés contre la Russie. »

L’universitaire donne l’exemple d’un cargo russe souhaitant transporter du pétrole vers la Chine ou l’Inde : le baril ne doit pas dépasser 60 dollars si le cargo veut bénéficier d’une assurance occidentale. De quoi négocier des prix à la baisse pour des pays comme la Chine et l’Inde, ce qui pénalise Moscou. « On observait déjà que les barils russes se vendaient sensiblement sous les cours mondiaux, à -25%. Le plafonnement va encore conduire à tirer les prix vers le bas », ajoute Patrice Geoffron.   

2 Quelles pourraient être les conséquences du décret sur l’offre ?

Cette mesure est prévue pour une durée de cinq mois, « jusqu’au 1er juillet 2023 », précise le décret russe. L’application de cette interdiction aura-t-elle un impact sur l’offre mondiale ? « Le test sera de savoir si la Russie peut imposer à ses débouchés essentiels que sont la Chine et l’Inde un prix supérieur à 60 dollars, ce qui me paraît peu plausible, estime Patrice Geoffron. Il est toutefois possible, avec des annonces aussi ‘énigmatiques’, que la Russie souhaite accroître le degré d’incertitude sur le marché pétrolier », ajoute l’universitaire.  

Au niveau européen, l’Allemagne assure que cette décision russe n’aura « pas de signification pratique ». « Nous nous préparons déjà depuis le début de l’été à remplacer » le pétrole russe, a affirmé mercredi lors d’un point-presse un porte-parole du ministère de l’Economie et du Climat allemand.

En revanche, Julien Théron, politiste, et coauteur de Poutine, la stratégie du désordre jusqu’à la guerre (édition Tallandier), considère cette décision comme « une vraie arme utilisée contre l’Occident »Elle constitue une « stratégie de chantage » contre des pays tentés d’accepter le plafonnement, expose-t-il sur franceinfo

3 Quels seront les effets sur les prix du pétrole ?

Face à cette décision de Moscou, mardi, les cours de l’or noir, déjà à leur plus haut depuis trois semaines, ont encore grimpé, bien que brièvement. « Cette décision n’est pas une surprise pour le marché », a commenté auprès de l’AFP Matt Smith, analyste du marché des matières premières chez Kpler.

Les incertitudes créées par les annonces russes pourraient en théorie faire augmenter les prix, mais « on n’observe rien de cet ordre pour l’instant », confirme Patrice Geoffron. Ce dernier souligne que le niveau du baril de pétrole va beaucoup dépendre de la reprise de l’économie chinoise, après la fin de la stratégie du « zéro Covid ». 

Les pays occidentaux « ne cherchent pas vraiment à empêcher toute exportation de pétrole russe dans le monde », observait, mi-décembre, Francis Perrin, directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), dans une interview publiée sur le site de l’institut. Selon lui, « une telle situation pourrait générer une pénurie de pétrole et une flambée des prix« . La Russie est en effet le deuxième exportateur de pétrole brut dans le monde. L’objectif consiste surtout à baisser les revenus de Moscou liés aux hydrocarbures afin de fragiliser son financement de la guerre en Ukraine. 


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