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Insecticide tueur d’abeilles : l’Inrae travaille sur la « conversion des variétés » de betteraves « pour les rendre et productives et résistantes »

Pour lutter contre la jaunisse de la betterave, le gouvernement veut autoriser une année de plus l’usage de néonicotinoïdes. Jugés responsables de la mort des abeilles, ils avaient été bannis en 2018.

L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) travaille actuellement sur « la conversion des variétés » de betteraves à sucre « les plus productives pour les rendre et productives et résistantes », a expliqué mercredi 4 janvier sur franceinfo Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture à l’Inrae.

Un projet de décret a été soumis mardi à consultation par le ministère de l’Agriculture pour autoriser l’usage de néonicotinoïdes (insecticides jugés responsables de la mort d’abeilles) pour la troisième année consécutive, pour les cultures de betteraves sucrières. Dans ce décret, il y a « cette interdiction d’utiliser des néonicotinoïdes sur betterave quand la culture d’après est une culture qui va fleurir », précise Christian Huyghe. Il espère « des solutions qui seront viables pour les agriculteurs en 2024″.

Comment agissent ces néonicotinoïdes sur les abeilles ?

Les néonicotinoïdes, leur objectif n’est pas d’agir directement sur les abeilles. C’est un insecticide qui est appliqué en traitement de semence. Il est absorbé par les racines, il circule dans l’ensemble de la plante. Et quand il se retrouve dans les fleurs et dans le nectar, il est absorbé par des abeilles. C’est une famille d’insecticides qui touche l’ensemble du système nerveux de tous les insectes. Et à certaines doses, il peut induire le fait que les abeilles ne retrouvent pas leur ruche. Cela conduit à des dépérissements importants des colonies. C’est pour ça que dans le projet de décret, il y a cette interdiction d’utiliser des néonicotinoïdes sur la betterave quand la culture d’après est une culture qui va fleurir. Donc, ça conduit à limiter les dangers et les risques. C’est tout ça le défi. L’objectif du plan national recherche-innovation vise à trouver des alternatives, à chercher des combinaisons de solutions qui vont permettre de réduire le risque de virose important et donc d’avoir des solutions qui sont viables pour les agriculteurs. 

Lorsqu’on utilise les néonicotinoïdes sur un champ de culture, est-ce que l’on sait à peu près dans quel périmètre ils peuvent être néfastes ? 

Vous êtes face à des insectes. Les abeilles, puisque ces abeilles sont un peu représentatives de l’ensemble des pollinisateurs, sont des insectes qui se déplacent beaucoup sur plusieurs kilomètres. Et donc si à un moment donné elles se retrouvent exposées à une source de néonicotinoïdes très importante, elles peuvent être impactées dans un rayon relativement large. 

Cette année, comment avez-vous estimé le risque ? 

La démarche sur le risque, elle est de savoir si on a la probabilité d’avoir des virus d’une part, et la probabilité d’avoir des pucerons d’autre part. L’impact sur la betterave se produit quand il y a une arrivée précoce de virus sur des betteraves jaunes. Si les arrivées de virus sont tardives, les risques sur la betterave sont faibles. Donc on est bien à la conjonction de trois choses : un stade précoce de betteraves ; des virus, parce que s’il n’y a pas de pucerons il n’y a pas de virus ; et il faut qu’il y ait des réservoirs viraux. On est face à un système qui est très compliqué et très complexe. Et c’est pour ça qu’on agit sur les trois leviers en même temps. 

Est-ce que vos travaux touchent à leur fin ? Est ce qu’il y a des alternatives non chimiques à ces néonicotinoïdes qui existent ?

Les travaux se déploient tout le temps. Jouer sur les réservoirs viraux est un levier d’action. Les leviers d’action ne sont pas simplement de chercher d’autres molécules pour remplacer. Réduire un réservoir viral est important. Le deuxième point, c’est jouer sur les pucerons pour qu’ils arrivent le plus tard possible. On travaille sur trois mécanismes différents. Le premier, c’est d’avoir des plantes compagnes qui sont semées en même temps que les betteraves et qu’on détruit par les modalités de désherbage classique suffisamment tôt pour qu’elles n’aient pas d’impact sur la productivité de la betterave. La présence de quelques espèces comme ça va réduire l’attractivité des parcelles pour les pucerons. Ils iront voir ailleurs le temps qu’il fait. Les deux autres leviers que l’on a pour jouer sur les pucerons sont des produits de bio contrôle. Soit un produit qui est répulsif, qui va jouer sur les problématiques d’odeurs et le puceron ira voir ailleurs. Soit on attire les auxiliaires, mais on les attire très précocement pour qu’ils soient là quand les pucerons arrivent. Ils vont donc empêcher d’avoir des contaminations précoces. Tout cet objectif étant d’avoir des pucerons qui ne sont pas présents avant, en gros, le 1ᵉʳ juin. A ce stade-là, les betteraves ont un niveau de tolérance élevé. Le dernier mécanisme c’est d’avoir des variétés de betteraves qui soient résistantes aux différents virus, mais qui doivent en même temps être productives. Ce travail de conversion des variétés les plus productives pour les rendre et productives et résistantes est quelque chose qui est en cours. Ces processus prennent du temps. On espère qu’on aura des combinaisons qui seront viables pour les agriculteurs l’année prochaine en 2024. 


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