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On vous explique pourquoi Priscilla Majani est jugée pour avoir enlevé sa fille et pourquoi des personnalités auraient « fait comme elle »

Cette femme de 48 ans assure avoir voulu protéger sa fille Camille des viols et violences de son père. Elle a ainsi reçu de nombreux soutiens sur les réseaux sociaux. La cour d’appel doit rendre son verdict mercredi.

« J’aurais fait comme elle. » Vous avez peut-être vu ce message accompagnant des photos de célébrités et d’influenceurs sur Twitter et Instagram, en décembre dernier, assorti du hashtag #PriscillaMajani. A leurs côtés, des centaines d’anonymes ont répondu à l’appel de l’actrice Eva Darlan à soutenir Priscilla Majani, une femme de 48 ans accusée d’avoir enlevée sa fille de 5 ans en 2011 après le classement sans suite d’une plainte pour viol contre son ex-mari.

Cette mère assure avoir voulu protéger la petite d’un père violent et incestueux, ce que le mis en cause a toujours nié. Toutes deux ont passé plus de dix ans à l’étranger, dans une cavale savamment orchestrée, sans donner de nouvelles, avant que Priscilla Majani ne soit finalement arrêtée en Suisse, en février 2022. Jugée en première instance en septembre, puis de nouveau en novembre, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a requis cinq ans d’emprisonnement à son encontre, dont quatre ferme. 

La décision est attendue mercredi 4 janvier. Jusqu’ici, toutes les décisions de justice ont été défavorables à celle qui se présente comme une mère protectrice, ayant cherché à sauver sa fille de son père abusif. Franceinfo revient sur cette affaire hors norme.

Priscilla Majani fuit avec sa fille

Ingénieure militaire, Priscilla Majani rencontre le père de Camille, Alain Chauvet, en 1993. Elle a 18 ans et lui 45. Il est père de quatre enfants, nés d’une précédente union. En 2005, le couple donne naissance à une fille nommée Camille. Dès 2008, selon Olivier Ferri, l’avocat d’Alain Chauvet, « le couple battait de l’aile et s’était séparé ». Une procédure de divorce est ouverte. En mai 2010, la juge aux affaires familiales prononce la garde alternée, relève Le Parisien (article payant). 

En janvier 2011, Priscilla Majani dépose une main courante puis une plainte pour « viol » sur Camille à l’encontre de son ex-mari. La fillette est alors entendue trois fois par les policiers, comme l’a précisé le procureur lors du premier procès de Priscilla Majani, en septembre 2022. Auditionnée, la petite parle de « violences ». « Il est méchant. C’est maman qui m’a dit de dire ça », déclare-t-elle, selon une vidéo diffusée à la barre, retranscrite dans Le Parisien. Lors de sa seconde audition, l’enfant assure avoir oublié de mentionner que son père lui a mis « son zizi dans les fesses ». 

Une expertise estimera que le ton de la fillette est « récitatif ». La plainte est classée sans suite. En parallèle, Priscilla Majani consulte un spécialiste au sein de l’unité des jeunes victimes de l’hôpital Trousseau, à Paris, précise L’Humanité (article payant). D’après le rapport, consulté par le journal, les médecins « estiment probable le viol de l’enfant et adressent un signalement à la cellule de recueil d’informations préoccupantes du Var, dont la justice ne tiendra pas compte ». En février 2011, la mère et la fille disparaissent. 

Priscilla Majani sera finalement arrêtée onze ans plus tard, lors d’un banal contrôle routier, dans les environs de Lausanne (Suisse), en février 2022. Elle est ensuite extradée en août pour être jugée en septembre en France. La quarantenaire a expliqué s’être cachée en Suisse pendant six à sept ans, après avoir résidé dans « différents pays ».

Elle est condamnée une première fois 

Une première comparution a lieu le 16 septembre 2022, au tribunal correctionnel de Toulon, dans le Var. C’était la première fois qu’Alain Chauvet revoit son ex-épouse, jugée pour soustraction d’enfant et dénonciation calomnieuse envers son ancien mari. L’audience dure près de cinq heures, dans un contexte tendu entre la prévenue et sa défense et la présidente du tribunal, alors que plusieurs personnes manifestent leur soutien à Priscilla Majani, devant le palais de justice.

Cette dernière concède « avoir utilisé un nom d’emprunt, comme sa fille, mais nie avoir fait usage de faux documents », rapporte Le Parisien. Le procureur lui reproche d’avoir « agi comme les grands bandits ».

« Vous avez méticuleusement préparé votre fuite, utilisé des téléphones dédiés, vendu votre voiture et soldé votre crédit immobilier. Vous n’avez aucune circonstance atténuante. »

le procureur de la République

le 16 septembre 2022, devant le tribunal correctionnel

A l’issue de cette première audience, Priscilla Majani est condamnée à deux ans de prison pour dénonciation calomnieuse et trois ans de prison avec privation des droits civiques et parentaux pour non représentation de son enfant, soit cinq ans au total. Des peines similaires à celles prononcées contre elle en 2015 et 2016, alors qu’elle était en fuite. 

Son procès en appel a eu lieu le 23 novembre, à la cour d’Aix-en-Provence. « Depuis le début de cette procédure, on a l’impression que Madame Majani ne peut accepter que le père ait des droits », estime Jean-Louis Persico, l’avocat général, qui requiert au terme d’une audience de sept heures cinq ans de prison, dont quatre fermes, à l’encontre de Priscilla Majani, raconte 20 Minutes. De son côté, Alain Chauvet clame de nouveau son innocence. « Je n’ai jamais violé Camille. Je ne vais pas encore le répéter 100 000 fois. (…) Je n’ai jamais eu besoin de le faire et je n’ai pas envie de le faire », déclare-t-il à la barre. 

La fille porte plainte à son tour 

Après l’arrestation de sa mère, Camille Chauvet, désormais âgée de 17 ans, est placée dans une famille d’accueil en Suisse et refuse tout contact avec son père. Elle porte plainte contre lui, en novembre 2022, pour des faits de violences psychologiques, physiques et sexuelles, infligées jusqu’à ses 5 ans, selon la justice suisse à l’AFP. 

Dans cette plainte, que L’Humanité a pu consulter, elle assure que son père l’a « enfermée plusieurs heures dans une pièce fermée à clé et sans lumière », elle évoque également des « coups de poings au niveau du visage et du corps » ainsi que des « brûlures avec de l’eau chaude ». Elle assure également qu’il l’a violée à plusieurs reprises.

Dans une vidéo postée sur YouTube le 1er janvier 2023, Camille témoigne à visage caché. Elle dit s’être sentie « énormément soulagée de partir loin de [son] père ».

« J’aurais voulu être crue, tout comme ma maman qui m’a crue quand je lui ai révélé les crimes commis par mon père. »

Camille Chauvet

le 1er janvier 2023, dans une vidéo YouTube

Lors du procès de septembre, son père a déclaré ne pas pouvoir « s’empêcher de penser que [sa] fille est foutue » car « aliénée par sa mère ». Il a raconté lui avoir adressé « cinq lettres d’amour », rapporte Le Parisien, auxquelles il n’a pas reçu la moindre réponse. « C’est foutu. Sa mère me l’a aliénée. Il faudra des années pour que ça change », s’est-il désolé. 

Elle est soutenue sur les réseaux sociaux

Quelques jours avant Noël, une vague de soutien a peu à peu gagné les réseaux sociaux, à l’appel de l’actrice Eva Darlan, qui a pris fait et cause pour Priscilla Majani sur Facebook, relayant chaque jours ou presque des publications sur l’affaire. « Elle a été révoltée par cette histoire, par le fait que Madame Majani soit condamnée à cinq ans [de prison] ferme en première instance et qu’on laisse des enfants sous l’autorité de parent hypothétiquement agresseur, selon la parole de l’enfant, au nom de la présomption d’innocence », a fait savoir Myriam Guedj Benayoun, l’avocate de la mère, sur BFMTV.

Dans son sillage, d’autres personnalités ont pris le relais, comme l’animatrice Enora Malagré, les actrices Anny Duperey et Corinne Masiero, la réalisatrice Andréa Bescond ou encore le comédien Alex Lutz, s’affichant toutes et tous avec un même message : « Moi aussi, j’aurais fait comme elle. » Une pétition a également été lancée et a recueilli plus de 12 000 signatures. Des anonymes ont également repris le message, notamment sur TikTok, avec des vidéos relatant l’affaire.


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