Ile-de-France

A lire : « Je suis parisien mais je me soigne », d’Alain Paucard

« A condition de rester chez soi et d’en sortir que pour des lieux sélectionnés, à des heures bien choisies. » Alain Paucard, incurable Parigot, prend sa plume sarcastique et érudite pour écrire un livre qui mêle histoire, architecture, arts, politique – surtout politique. Il étrille au passage toutes les figures publiques de l’histoire récente ayant pesé sur le façonnage de Paris.

Alain Paucard. © DR

Sortir des murs séculaires

L’auteur commence par déplorer l’emmurement de Paris, cette ceinture qui l’empêche de grossir naturellement, en absorbant sa banlieue proche et en la remodelant. Après un détour historique, partant du mur des Fermiers généraux et aboutissant au périphérique d’aujourd’hui, l’auteur fait un amer constat : « Les “pouvoirs publics” ont tout simplement corseté Paris dans une ceinture de fer ». Et de regretter d’autant plus cet enfermement, que les banlieues recèlent quelques trésors : les cités ouvrières de l’entreprise de chocolat Meunier à Noisiel, les cités-jardins d’Henri Sellier, la Vallée aux loups, « une excursion heureusement méconnue, tout comme le parc de Saint-Cloud et les Étangs de Ville d’Avray. »

Un ton caustique

Mais retour à Paris où « deux catastrophes menacent le piéton curieux […] : le vélo et les interphones ». Elles mettent en péril selon lui l’essence même du promeneur, sa liberté, sa possibilité d’accéder aux secrets de la ville. A ces « venelles » dont l’auteur dénigre la gentrification : « La venelle est aujourd’hui sanctuarisée par les bobos, qui l’ont macadamisée, […] aseptisée… ». L’écrivain interroge de ce même regard critique et ronchon divers aspects de la ville. Il scrute les noms des rues et relève les orientations idéologiques de certains choix. Ainsi les neuf noms de femmes de la ligne du tram T3, parmi lesquels ceux de deux aviatrices, Maryse Bastié et Adrienne Bolland, d’une sportive, Colette Besson, etc. L’auteur se désole de ne pas voir célébrées une Colette ou une Marie Noël.

Le savoir-vivre

Un chapitre un peu moins mordant et plus joyeux, consacré aux vins de Paris, nous rappelle le recueil de nouvelles de Marcel Aymé, « Le vin de Paris ». Et propose une balade dans le vignoble parisien. Mais là aussi, après un habile détour historique, non dénué de nostalgie, l’auteur revient sur la gentrification, avec une envolée moqueuse sur la « cantine bobo ». Il évoque aussi les chanteurs qui ont célébré Paris, avec une préférence pour Maurice Chevalier : « Avant tout, il reste le symbole, la voix, la figure, la silhouette de Parigot. »

« Je suis Parisien mais je me soigne » est un petit livre qui finit par saisir la nature du parigot. « Un Parisien, c’est un amateur d’asphalte, de ce quelque chose d’indéfinissable que je vais pourtant tenter de définir. » Un livre agrémenté des illustrations tout en finesse et en poésie de Philippe Dumas.

« Je suis parisien mais je me soigne », d’Alain Paucard, édition Héliopoles, février 2023


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Author: Rouja Lazarova