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Lune : des tubes de lave magnétique expliqueraient l’énigme des motifs en tourbillon

La surface de la Lune présente de curieux motifs en tourbillons, dont l’origine reste mystérieuse. L’un d’eux, Reiner Gamma, vient d’être étudié de près, conduisant à l’idée que ces lunar swirls seraient la manifestation de tubes de lave fortement magnétisés.

Les lunar swirls, ces motifs en forme de tourbillons, sont d’énigmatiques structures brillantes à la surface de la Lune dont la plus connue des astronomes amateurs, facilement observable, est appelée Reiner Gamma. Les premières hypothèses furent celles d’un cratère puis d’une sorte de plateau, mais l’absence d’ombre projetée a conduit à les rejeter.

Le mystère de Reiner Gamma s’est épaissi avec le programme Apollo. L’astrophysicien états-unien Robert Lin avait suggéré à la Nasa d’embarquer en plus d’un vaisseau habité deux petits modules à mettre en orbite autour de la Lune pour mesurer la queue de la magnétosphère lunaire. Équipées de magnétomètres, les deux sondes furent finalement larguées en 1971 et 1972 pendant les missions Apollo 15 et 16, fournissant en bonus la possibilité d’étudier des champs magnétiques lunaires.

Il apparut que plusieurs lunar swirls, dont Reiner Gamma, étaient des régions fortement magnétisées, ce qui semblait étrange. Ces tourbillons lunaires, en effet, abritent des champs magnétiques de quelques centaines de nanoteslas (nT) au niveau du sol, ce qui est élevé pour notre satellite. La Lune elle-même possède en effet un champ magnétique rémanent très faible, laissé par l’activité aujourd’hui disparue d’une dynamo équivalente à celle à l’origine du champ magnétique de la Terre. À titre de comparaison, le champ magnétique terrestre est de 30.000 nT

Des tubes de lave refroidis quand la Lune avait un champ magnétique

En revanche, ces champs fournissaient une explication à la brillance des lunar swirls. En effet, les particules du vent solaire modifient la couleur du régolite lunaire, le rendant plus sombre après des centaines de millions d’années. En se comportant comme une sorte de bouclier magnétique, les tourbillons lunaires auraient ralenti l’effet du vent solaire, conservant pour ainsi dire la couleur originelle du sol lunaire.

Plusieurs explications à l’origine de ces champs magnétiques, étudiés de plus près au cours des années 1990 grâce à la sonde Lunar Prospector, ont été proposées. La dernière en date provient des planétologues Douglas Hemingway et Sonia Tikoo, respectivement des universités de Berkeley et Rutgers, et elle a été publiée dans le Journal of Geophysical Research: Planets.

Les deux chercheurs ont modélisé mathématiquement les structures magnétiques pouvant être à l’origine de la géométrie des lunar swirls et de leurs champs magnétiques. Selon eux, il devrait s’agir de tubes de lave qui se sont fortement magnétisés dans le champ magnétique lunaire il y a des milliards d’années en se refroidissant juste sous la surface de la Lune.

Ces laves seraient particulièrement ferromagnétiques à cause de leur contenu anormalement élevé en fer du fait de l’absence d’oxygène sur la Lune. Dans un tel environnement, on peut montrer qu’au-dessus de 600 °C, des minéraux présents dans la lave fluide auraient libéré du fer. Il ne se serait pas combiné avec de l’oxygène, comme il l’aurait fait sur Terre, ce qui aurait finalement fourni un matériau plus intensément magnétisable, et magnétisé, en passant au-dessous de sa température de Curie, séparant l’état magnétique de l’état non-magnétique.

Ce qu’il faut retenir

  • Les lunar swirls, tourbillons lunaires en français, sont d’énigmatiques structures brillantes magnétisées à la surface de la Lune, la plus connue étant Reiner Gamma.
  • En se comportant comme une sorte de bouclier magnétique, ces formations auraient ralenti l’effet du vent solaire, protégeant la couleur originelle du sol.
  • Ces régions magnétisées trahiraient la présence sous la surface lunaire de tubes de lave qui se seraient refroidis en se magnétisant fortement dans le champ, alors intense, de la Lune.

Pour en savoir plus

Sur la Lune, Reiner Gamma serait bien un impact de comète

Article de Laurent Sacco publié le 08/06/2015

Reiner Gamma est une étrange formation brillante située sur la Lune et déjà repérée par le découvreur de la diffraction, le physicien et astronome Francesco Maria Grimaldi (1618-1663). Pendant longtemps, les astronomes pensaient, tout comme lui, qu’il s’agissait d’un cratère. Ils n’avaient que partiellement raison car le site serait en fait né de l’effet du souffle d’un impact de comète sur le sol lunaire.

Reiner Gamma est un exemple de formation lunaire que l’on peut plus ou moins classer parmi les structures rayonnées, également appelées systèmes rayonnants ou traînées rayonnantes. Il s’agit, dans ces cas précis, d’un ensemble de traînées disposées de manière radiale autour d’un cratère d’impact et constituées de la matière expulsée lors de sa formation. Reiner Gamma fait plus exactement partie de ce qui est appelé en anglais des lunar swirls. Ce sont des formes curvilignes constituées de matériaux brillants et, surtout, associées à des anomalies magnétiques.

Tout comme les mascons, qui sont quant à eux des anomalies dans le champ de gravité lunaire, ces formations ont intrigué les sélénologues depuis des décennies et ces derniers ont cherché à en percer les secrets. On a d’abord émis l’hypothèse que les champs magnétiques élevés associés aux lunar swirls étaient des vestiges fossilisés du champ magnétique de la Lune au moment où l’équivalent de la géodynamo de la Terre était encore active il y a des milliards d’années. Et les champs de ces anomalies magnétiques sont assez puissants pour dévier les particules du vent solaire en formant une mini-magnétosphère qui s’étend sur 360 km à la surface. Il se constitue même une couche de plasma, épaisse de 300 km, sur laquelle le vent solaire s’écoule en contournant ces anomalies.

Or il est établi que le bombardement des particules solaire modifie l’albédo du régolithe et des roches lunaire en le rendant plus sombre. Une formation comme Reiner Gamma serait donc une portion de la surface lunaire relativement protégée du vent solaire depuis quelques milliards d’années et qui aurait gardé sa couleur primitive.

La sonde lunaire japonaise Kaguya, de la Jaxa, survole la plus grande mer lunaire, Oceanus Procellarum, en dépassant le cratère Damoiseau. Elle rejoint Reiner Gamma. Dans cette région, la sonde de la Nasa Lunar Prospector a détecté un champ magnétique irrégulier. © Jaxa, YouTube

Selon les chercheurs de l’université de Brown (États-Unis), il faut cependant considérer une autre hypothèse, celle que soutenait déjà par exemple en 1980 leur collègue Peter Schultz, co-auteur d’un article publié dans le journal Icarus. Pour eux, Reiner Gamma et les autres lunar swirls que l’on peut observer par exemple dans les régions de Mare Marginis et Mare Ingeni, sont les résultats d’impacts de comètes survenus il y a 100 millions d’années tout au plus.

Du régolithe soufflé par les gaz d’un impact cométaire

À l’appui de cette thèse, les sélénologues ont réalisé des simulations numériques de ces impacts de comètes, prenant en compte les propriétés du sol lunaire. Ces simulations soutiennent parfaitement l’hypothèse avancée par Peter Schultz qui lui avait été inspirée en constatant l’effet sur ce sol des gaz des modules lunaires du programme Apollo. Il en avait déduit que l’atmosphère gazeuse d’une comète, c’est-à-dire sa chevelure, encore appelée coma, pouvait avoir le même effet sur les particules du régolithe, à savoir, souffler la couche superficielle assombrie par le vent solaire pour mettre à jour un nouveau sol plus clair.

L’analyse numérique de ce phénomène sur ordinateur avec un petit corps glacé entouré de sa chevelure a montré que c’est effectivement le cas avec l’apparition de terrains brillants s’étendant sur des milliers de kilomètres, comme on en observe sur la Lune. En outre, des tourbillons se forment naturellement dans les matériaux gazeux produits au moment de l’impact, ce qui rend bien compte de la structure tourbillonnaire et sinueuse des lunars swirls.

Cerise sur le gâteau, on sait que les comètes sont magnétisées. Or, les simulations ont aussi montré que l’énergie de l’impact d’une comète sur la surface de la Lune était convertie en une quantité de chaleur suffisante pour faire fondre des particules de fer dans le régolithe. En se refroidissant, ces particules peuvent enregistrer le champ magnétique du matériau cométaire et même l’amplifier.

L’ensemble de ces résultats a donc faire dire à Schultz que « tout ce que nous voyons dans les simulations d’impacts de comètes est compatible avec les structures que nous voyons sur la Lune. Nous pensons que cette hypothèse fournit une explication cohérente, mais de nouvelles missions lunaires seront peut-être nécessaires pour finalement clore le débat ».

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