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TEMOIGNAGES. « On va mettre des minuteries sur toutes les décorations » : face à la crise énergétique, les maires partagés entre magie de Noël et exemplarité

« Dans cette période un peu morose, avec un monde peu reluisant, on a choisi de ne pas supprimer l’aspect festif et joyeux. » Le maire de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), le socialiste Olivier Bianchi, veut encore croire en la magie de Noël. Comme la grande majorité des villes françaises, la capitale auvergnate va bientôt sortir des cartons les décorations lumineuses pour Noël. Mais dans un contexte de crise énergétique sur fond de guerre en Ukraine, difficile, pour les municipalités, de ne pas tenir compte des consignes de sobriété énergétique à l’approche de l’hiver.

A Clermont-Ferrand, la quantité de décorations ne change pas, mais le temps d’allumage des guirlandes de Noël va être réduit de six semaines. « On va les installer du 2 décembre au 2 janvier, au lieu d’une période allant du 20 novembre au 25-30 janvier », détaille Olivier Bianchi. Même stratégie pour l’écologiste Anne Vignot, à Besançon (Doubs) : « Nous avons décidé d’installer le marché de Noël sur 30 jours plutôt que 37, avec une extinction des feux à 22 heures plutôt qu’à 23 heures, sauf pour Noël et pour le jour de l’An. En revanche, on n’a pas changé la quantité de décorations, car la commande a été passée en juillet, mais on est sur des décorations 100% biodégradables. »

A Bordeaux (Gironde), la durée des illuminations a également été réduite de trois semaines et s’étalera du 9 décembre au 2 janvier. L’arrêt de l’éclairage sera avancé à une heure du matin, contre 2 heures ou 3 heures les années précédentes. « Compte tenu du contexte, on inscrit Noël sous le régime festif, sobre et solidaire », explique le maire de la ville, l’écologiste Pierre Hurmic. « On a 700 décors répartis sur 120 sites, donc on n’a pas réduit la quantité, mais on est allés dans des quartiers où d’habitude il n’y avait pas de décorations. » A Nice (Alpes-Maritimes) aussi, la municipalité de droite souhaite montrer l’exemple. « On va mettre des minuteries sur toutes les décorations et elles s’allumeront aux alentours de 17 heures, pour s’éteindre à 23 heures », détaille Richard Chemla, adjoint à la mairie en charge de la Transition écologique.

« On a plus de 820 motifs et plus de 130 km de guirlandes lumineuses, c’est important de garder cette image de la fête de Noël dans cette période difficile, maussade. »

Richard Chemla, adjoint au maire de Nice

à franceinfo

Strasbourg (Bas-Rhin) va plus loin. La « capitale de Noël », célèbre pour son marché, a pris des mesures pour faire 10% d’économies sur le budget global en réduisant notamment de 20% le nombre de décorations, mais aussi en appliquant aux 300 chalets du marché de Noël la nouvelle loi qui interdit le chauffage dans les commerces en extérieur. 

« On a réduit en termes de jours les illuminations, et l’éclairage s’arrête à 23 heures, sauf pour le grand sapin qui lui s’arrête à 1 heure », énumère Guillaume Libsig, adjoint à la maire EELV Jeanne Barseghian, en charge de l’animation urbaine. « Après, les illuminations, ça reste primordial ! C’est ce qui fait venir les gens de loin, donc il faut trouver le point d’équilibre entre l’exemplarité et la magie de Noël. »

Les décorations de Noël à Strasbourg (Bas-Rhin), le 4 décembre 2021. (MAXPPP)

Les décorations de Noël à Strasbourg (Bas-Rhin), le 4 décembre 2021. (MAXPPP)

A l’inverse, à Châteauroux (Indre), le maire LR, Gil Avérous, a préféré resserrer les illuminations sur les quartiers commerçants. « C’est important aussi d’avoir un centre-ville illuminé, en termes d’attractivité économique et de soutien aux commerçants, explique l’édile, qui a malgré tout tenu à sacraliser les fêtes de fin d’année. C’est un moment festif et il est important de se réjouir. Il n’a donc jamais été question de s’en priver. » 

Les grandes villes ne sont pas les seules concernées par la sobriété énergétique. Les Monts-d’Andaine, petite commune d’environ 1 700 habitants dans l’Orne, va également réduire la durée de l’éclairage, malgré sa participation à un concours des villes et villages illuminés. « On va arrêter les illuminations le matin, et le soir on va couper l’éclairage à 23 heures, en accord avec toutes les communes qui participent au concours », explique le maire, Stéphan Gravelat.

L’enjeu en termes de consommation énergétique est toutefois faible pour les différentes villes, car la grande majorité des municipalités est désormais équipée en ampoules LED, une technologie qui permet de diviser par six ou sept la consommation d’électricité par rapport aux ampoules classiques. « Les mesures de sobriété ne sont pas tant liées à la consommation, mais c’est une question d’exemplarité », explique ainsi Guillaume Libsig, adjoint à la maire de Strasbourg. « Toutes les actions qui visent à réduire les périodes d’illumination, l’intensité de celles-ci, le nombre de guirlandes, comptent », confie à l’AFP l’expert de l’Agence pour la transition écologique (Ademe) Bruno Lafitte.

« Certes, l’impact peut paraître réduit mais tout le monde le voit et il est important de montrer que tous prennent des actions pour réduire les consommations d’électricité. »

Bruno Lafitte, expert de l’Agence pour la transition écologique

à l’AFP

« On est sur une somme assez dérisoire puisqu’on a une facture de seulement 292 euros, car on a travaillé sur une illumination très économe », illustre Anne Vignot. Les villes qui sont récemment passées au tout-LED ont en revanche vu rapidement l’impact sur leurs factures. « On a réussi à diviser par 2,5 la consommation des illuminations, assure le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic. En 2020, on avait un coût de 5 000 euros. En 2021, on est passés à 2 000 euros, et cette année, malgré la hausse des prix de l’électricité, on va passer à 1 600 euros. » « On a une facture d’environ 4 000 euros, qui est à mettre en balance avec la facture de 600 000 euros d’éclairage public », ajoute Gil Avérous, maire de Châteauroux.

Les coûts les plus importants pour les municipalités à Noël concernent en réalité l’installation des décorations puis l’entretien. « On sous-traite la pose et c’est une facture de 120 000 euros », admet Gil Avérous. « On a signé un contrat sur trois ans avec un prestataire et ça nous coûte 218 000 euros pour les trois années, dont 100 000 euros de pose », ajoute Anne Vignot, la maire de Besançon.

Une dépense que certaines municipalités ont choisi d’éviter en laissant les décorations au garage. D’autant que plusieurs communes anticipent une année 2023 encore plus difficile sur le front de l’énergie. Ainsi Boussy-Saint-Antoine, une ville de 8 000 habitants dans l’Essonne, n’installera pas de guirlandes électriques cette année. « Ce n’est pas tant pour la consommation électrique, car on a des ampoules LED, mais la pose et le démontage représentent 70 000 euros, confie le maire socialiste, Romain Colas. Quand on sait que la facture de gaz de la commune va être multipliée par quatre ou sept l’an prochain, on fait face à un mur budgétaire et il a fallu prendre des mesures d’urgence. Donc, c’est un crève-cœur, mais avec 70 000 euros, on s’offre au minimum trois-quatre semaines de gaz pour les écoles, le gymnase et les bâtiments administratifs. » 


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